L'optique syndicaliste, revendicativiste, défendue par tout ce que le mouvement ouvrier compte d'activistes poussiéreux au service de la logique capitaliste mérite qu'on s'y attarde un peu, afin de régler le compte aux maniaques de l'échelle mobile, mais aussi de renvoyer à la niche tous les inactivistes de profession qui foisonnent dans le milieu ultra-gauche.
Si la lutte pour l'amélioration des conditions salariales a été l'un des facteurs essentiels de la lutte prolétarienne démarrée au XIXe siècle, le cercle vicieux de cet axe de lutte déjà dénoncé par les révolutionnaires est déjà ressenti intuitivement par la masse de la classe ouvrière ... L'amélioration toute relative du "pouvoir d'achat" n'a fait que révéler plus crûment l'aliénation profonde de cette société : consommer plus n'a pas fait de l'ouvrier d'aujourd'hui un être plus émancipé que son arrière grand-père !
Confusément les ouvriers d'aujourd'hui sont de moins en moins dupes des luttes revendicatives traditionnelles dans lesquelles, d'une part ils ne puisent aucune conscience de leur force (les syndicats qui encadrent ces luttes étant de A à Z inféodés aux nécessités de conservation du capitalisme) [1] et surtout parce que ces luttes ne peuvent plus constituer le moteur d'un associationnisme ouvrier réellement subversif, c'est à dire rompant avec la logique des rapports capitalistes. Prévues et programmées, ces luttes sont bien souvent des soupapes de sécurité et permettent l'auto-justification des syndicats ...
Il est pourtant faux de croire que les combats revendicatifs de la classe ouvrière sont totalement intégrés dans le système. Ils sont aussi porteurs d'un énergie qui dépasse le cadre du marchandage de la force de travail. La seule base matérielle qui permet aux prolétaires de passer au stade de l'affrontement ouvert avec le Capital, ce sont les liens tissés au cour des luttes, ces liens qui brisent momentanément la concurrence entre ouvriers ... Seules les fractions révolutionnaires voient dans cette mise en commun des efforts une tension, un désir d'une autre vie, c'est l'associationnisme prolétarien qui crée la base de la socialisation du point de vue du communisme ...
Chaque étape dans le processus de constitution d'associations combatives au sein de la classe ouvrière est une étape dans le processus de la prise de conscience communiste.
En poussant à une lutte dépassant le cadre de l'usine et s'attaquant à tous les aspects des rapports marchands, les fractions communistes, loin de dédaigner les avantages que l'on peut obtenir, ouvrent des perspectives réelles aux travailleurs, élargissent le champ d'action de la transformation sociale, approfondissent la critique du Capital comme rapport social. Ils ne font qu'exprimer pratiquement ce que l'ensemble des travailleurs sera contraint d'accomplir ...
Tout ceci est bien sûr une donnée générale dont la compréhension ne suffit pas à régler la difficile intervention locale. De nombreux groupes autonomes d'usine se sont enfermés dans le particularisme et n'ont pas su s'ouvrir à une pratique plus large en direction des foyers de résistance faute de perspectives révolutionnaires générales. En se soumettant aux aspects spécifiques des lieux où l'on travaille, on se ruine dans un activisme qui conduit généralement, en période de non-lutte, au pessimisme et au mépris des prolétaires eux-mêmes dont on n'attend plus rien, ainsi la voie est ouverte au terrorisme sensé réveillé les masses de leur torpeur ... Il n'est pas question évidemment de rejeter le terrorisme comme extérieur combat prolétarien, il s'agit de le situer comme effet de la faiblesse de ce combat. Car ce n'est pas en réduisant les moyens de l'intervention révolutionnaire qu'on fait avancer d'un pouce la capacité de combat du prolétariat dans son ensemble.
La politique liquidatrice du gauchisme, son influence désastreuse sur les éléments combatifs, le dilettantisme des groupes anarcho-conseillistes, le sectarisme ultra-gauche sont des faits matériels réels qui, jusqu'à présent, ont freiné les efforts de lutte autonome du prolétariat. C'est en mettant sur pied les moyens sociaux d'une intervention communiste véritable, tranchant avec la vieille merde revendicative que les groupes de l'autonomie ouvrière pourront effectivement accélérer le processus de rupture communiste qui se fait sentir dans les luttes actuelles, et cela en développant les conditions d'apparition du facteur essentiel de cette rupture : l'autonomie dans la lutte par la confiance des travailleurs en eux, par la défense d'objectifs incompatibles avec le maintien du salariat et de l'économie marchande !
Tout cela ne pourra se mener sans une critique ferme et positive des impasses proposées par tout ceux qui veulent maintenir les luttes ouvrières autour de thèmes visant à réformer le capitalisme au nom des intérêts de la classe ouvrière. Il faut clairement combattre tous ceux qui veulent faire de l'autogestion, du contrôle ouvrier sur la production en période de crise, des nationalisations des objectifs nécessaires pour passer à l'étape supérieure de la révolution. Nous n'avons pas à dresser de plan transitoire de passage au communisme ! [2] Ce sont les exigences du prolétariat mondial lors de l'affrontement révolutionnaire qui détermineront les mesures de transformation de l'organisation capitaliste du travail.
Développer cette critique au sein des luttes ne signifie pas pour autant développer un sectarisme de boutique imbécile à l'égard des travailleurs combatifs encore influencés par telle ou telle officine de la conservation sociale. Si nous travaillons à l'autonomie ouvrière dans la lutte ce n'est pas pour créer une division supplémentaire chez les travailleurs, c'est au contraire pour faire surgir une unité réelle des prolétaires, une unité qui dépasse les divisions corporatistes, les querelles de boutiques syndicales qui accentuent leur sabotage des luttes par la démoralisation, les tripotages et les magouilles gauchistes, etc ... Nous pensons que les objectifs communistes dans une grève sont liés à des méthodes de lutte qui unissent effectivement les travailleurs ! C'est en rompant avec le légalisme, le pacifisme, le démocratisme qui soumet les plus combatifs à l'avis des moins combatifs, voire des non-grévistes etc. que les travailleurs tissent entre eux des liens infiniment plus solides, c'est ainsi que les travailleurs dans l'action, se rendent compte de leur force de transformation sociale !C'est ainsi que les ruptures ébauchées confusément par les travailleurs avec les agents du capitalisme et leurs propres préjugés (racisme, corporatisme, pacifisme) s'accomplissent pratiquement ! Renoncer à impulser la pratique révolutionnaire de la classe ouvrière, se refuser à peser dans la maturation de cette pratique, en croyant qu'il suffit d'apporter la bonne parole sans se "salir" les mains dans les conflits tels qu'ils sont, revient à se nier comme facteur actif de la lutte des classe, cela revient à accepter la soumission des autres prolétaires, cela revient en fait à sortir des contradictions réelles des luttes pour entrer dans le confort béat du dispenseur de discours idéologiques.
Ceux qui prétendront qu'une telle pratique réintroduit l'idée qu'il y aurait une différence de nature entre la base "ouvrière" des Partis et syndicats et les directions de ceux-ci, oublient qu'en période de lutte c'est l'ensemble des prolétaires qui sont tiraillés par les contradictions de la lutte des classes [3] Syndiqués, gauchistes ou ouvriers de rang, tous sont poussés par des forces antagoniques, les unes visant à casser la tension révolutionnaire, les autres à la faire émerger ... Découper, au moment des luttes, le prolétariat en tranches, idéaliser une partie de celui-ci : l'ouvrier "moyen", le jeune ou l'immigré, etc ... C'est reconduire la division et sombrer dans la démagogie à l'égard de la "base" ouvrière parée de toutes les qualités à partir du moment où elle correspond aux critères arbitraires cités plus haut ... Il n'y a pas à attendre d'une catégorie de travailleurs bien particulière des velléités communistes supérieures ! Est-ce faire du frontisme, est-ce se compromettre avec les forces capitalistes au sein du mouvement ouvrier ? Nous ne proposons pas une tactique d'alliance avec ces forces, nous les combattons toutes au même titre, et c'est parce que nous prétendons les combattre effectivement sur le terrain que nous devons développer des actions susceptibles d'ébranler réellement leur base sociale !
[1] Si les syndicats sont adaptés aux limites de la lutte revendicative, il serait faux de croire qu'ils sont pour autant les organes appropriés pour obtenir effectivement victoire sur ce terrain. Là où le prolétariat se bat pour le pain, pour les conditions de survie minimum, les syndicats se dressent contre lui. Les syndicats sont, mondialement, les organes du Capital à part entière, tous sont liés aux intérêts de l'économie nationale, leur fonction n'est pas seulement de maintenir les luttes dans le cercle viceux de la lutte économique, elle est essentiellement de casser toute velléité autonome des travailleurs hors des luttes ...
[2] Les fractions communistes n'avancent pas de mots d'ordre "transitoires" sous prétexte qu'ils sont plus faciles à comprendre par les travailleurs. Les révolutionnaires contribuent aux ruptures entamées par les prolétaires, ils en montrent le côté émancipateur, supérieur aux rapports sociaux en place. Les contre-révolutionnaires se distinguent par le fait qu'ils défendent ce qui est encore compatibles avec le salariat et la marchandise dans les mesures prises par les travailleurs au cours de leur lutte ...
[3] Les périodes de luttes ouvertes ébranlent la totalité des structures de conservation sociale, ces structures sont d'autant plus ébranlées que leurs racines sont plus profondes au sein de la classe ouvrière. Il n'existe pas deux blocs monolithiques qui s'affrontent au moment révolutionnaire. La rupture communiste ne recouvre pas les divisions sociologiques, elle entraîne des pans entiers de l'édifice capitaliste en dissolvant les couches sociales qui lui sont liées ...
Combat pour l'Autonomie Ouvrière - novembre 1977.
Ceux qui prétendront qu'une telle pratique réintroduit l'idée qu'il y aurait une différence de nature entre la base "ouvrière" des Partis et syndicats et les directions de ceux-ci, oublient qu'en période de lutte c'est l'ensemble des prolétaires qui sont tiraillés par les contradictions de la lutte des classes [3] Syndiqués, gauchistes ou ouvriers de rang, tous sont poussés par des forces antagoniques, les unes visant à casser la tension révolutionnaire, les autres à la faire émerger ... Découper, au moment des luttes, le prolétariat en tranches, idéaliser une partie de celui-ci : l'ouvrier "moyen", le jeune ou l'immigré, etc ... C'est reconduire la division et sombrer dans la démagogie à l'égard de la "base" ouvrière parée de toutes les qualités à partir du moment où elle correspond aux critères arbitraires cités plus haut ... Il n'y a pas à attendre d'une catégorie de travailleurs bien particulière des velléités communistes supérieures ! Est-ce faire du frontisme, est-ce se compromettre avec les forces capitalistes au sein du mouvement ouvrier ? Nous ne proposons pas une tactique d'alliance avec ces forces, nous les combattons toutes au même titre, et c'est parce que nous prétendons les combattre effectivement sur le terrain que nous devons développer des actions susceptibles d'ébranler réellement leur base sociale !
[1] Si les syndicats sont adaptés aux limites de la lutte revendicative, il serait faux de croire qu'ils sont pour autant les organes appropriés pour obtenir effectivement victoire sur ce terrain. Là où le prolétariat se bat pour le pain, pour les conditions de survie minimum, les syndicats se dressent contre lui. Les syndicats sont, mondialement, les organes du Capital à part entière, tous sont liés aux intérêts de l'économie nationale, leur fonction n'est pas seulement de maintenir les luttes dans le cercle viceux de la lutte économique, elle est essentiellement de casser toute velléité autonome des travailleurs hors des luttes ...
[2] Les fractions communistes n'avancent pas de mots d'ordre "transitoires" sous prétexte qu'ils sont plus faciles à comprendre par les travailleurs. Les révolutionnaires contribuent aux ruptures entamées par les prolétaires, ils en montrent le côté émancipateur, supérieur aux rapports sociaux en place. Les contre-révolutionnaires se distinguent par le fait qu'ils défendent ce qui est encore compatibles avec le salariat et la marchandise dans les mesures prises par les travailleurs au cours de leur lutte ...
[3] Les périodes de luttes ouvertes ébranlent la totalité des structures de conservation sociale, ces structures sont d'autant plus ébranlées que leurs racines sont plus profondes au sein de la classe ouvrière. Il n'existe pas deux blocs monolithiques qui s'affrontent au moment révolutionnaire. La rupture communiste ne recouvre pas les divisions sociologiques, elle entraîne des pans entiers de l'édifice capitaliste en dissolvant les couches sociales qui lui sont liées ...
Combat pour l'Autonomie Ouvrière - novembre 1977.
Numérisation : Archives Autonomie
Transcription : Contre Capital