CONSEILS OUVRIERS
Les conseils ouvriers ne sont pas une forme figée dans la lutte, ils sont d'abord un principe, le principe de l'auto-organisation ouvrière.
Les conseils ouvriers révolutionnaires auront à lutter contre les impostures des "conseils ouvriers" réformistes ou réactionnaires qui se formeront pour saboter, de l'intérieur ou de l'extérieur, la lutte et l'émancipation révolutionnaire.
La fonction unitaire des conseils ouvriers, à la fois contre l'économie (la production capitaliste) et contre la politique (les institutions bourgeoises) est le fondement de sa nature révolutionnaire.
La finalité des conseils ouvriers est l'auto-dissolution soit après la fin de la lutte, afin de ne pas dégénérer en organisation para-syndicale, soit à l'issue du processus révolutionnaire abolissant la société de classes.
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Le pouvoir des conseils ouvriers sur les moyens de production, contre le mode de production
L’autogestion est le pouvoir
ouvrier, démocratique et mondial, qui devra abolir toutes les formes de
domination : du travail au capital, de la femme à l’homme, de l’oppression
raciste et de toutes les formes de ségrégation. C’est un pouvoir ouvrier sur les moyens de production, visant à
l’abolition des classes sociales donc de la classe ouvrière elle-même, ainsi
que de toute forme de pouvoir politique, laissant place à une simple organisation
démocratique de la production et de la planification mondiales.
La classe ouvrière est l’ensemble
des salariés : employés du commerce, ouvriers d’industrie et des
entreprises publiques qui par leur place dans la production et la distribution,
c'est-à-dire en tant qu’authentiques producteurs indispensables peuvent seuls prendre en main la production afin de l'orienter vers l'autogestion socialiste révolutionnaire.
Toute autre tentative de transformation sociale ne serait qu’une dictature sur la classe ouvrière
par des militants spécialistes (d’organisations politiques ou syndicales) et
n’aboutirait qu’à des formes de bureaucratisme ou de neutralisation de la dynamique
révolutionnaire.
Une dimension internationale
L’autogestion sociale des conseils ouvriers n’est pas une utopie à mettre en œuvre mais la description
d’expériences locales ou régionales qui ont déjà eu lieu (les Asturies en 1934,
la Catalogne en 1936) ou qui ont lieu aujourd’hui dans certaines entreprises ou
localités en Grèce, en Argentine et en d’autres régions de l’Amérique latine.
Les limites de développement de ces expériences trouvent leurs causes – en
partie- dans la délimitation géographique restreinte de ces expériences. Seule
une dimension atteignant progressivement une dimension internationale donnera
du sens au pouvoir ouvrier qu’est l’autogestion en l’articulant avec le
dépérissement de la propriété privée des moyens de production et des ressources
naturelles, en le conjuguant avec la suppression de l’économie de marché, la
fin de la mise en concurrence des travailleurs et la mise en désuétude d’une
économie basée non pas sur la satisfactions des besoins humains mais sur
l’accumulation destructrice du capital.
La fin du mode de production capitaliste
Le monde capitaliste est celui de
la marchandise. Force de travail (salaire), besoins fondamentaux, biens
naturels ou produits, tout est marchandise et se mesure en argent selon un prix
décidé par les capitalistes. Le monde capitaliste produit à l’aveugle des biens
qui ne trouvent pas d’acheteurs et ne produit pas des biens répondant à une
nécessité réelle (logement, etc.). Les études de marché sont des farces visant
non pas à la satisfaction des besoins sociaux réels mais seulement d’une partie
segmentée d’un panel de consommateurs. Les entreprises capitalistes produisent
séparément des produits qui ne correspondent qu’à des « besoins »
définis à l’aveugle et les jette sur le « marché », anarchie créant
gaspillage et chômage de masse, destruction de l’environnement et de la santé
des travailleurs.
Si l’humanité a connu, à partir de
la spécialisation de la production dans les sociétés antiques, le besoin de
créer des instruments d’échange et d’instituer la propriété des moyens de
production, aujourd’hui l’argent et la propriété des outils de travail et des
ressources sont un frein à l’épanouissement de l’humanité. La fonction de la
classe ouvrière, qui tient dans ses mains ces outils et qui subit
l’exploitation, est alors d’exproprier les propriétaires capitalistes (et
l’Etat capitaliste), classe parasite qui vit du travail des autres et du
désordre des marchés, afin de substituer
à la production pour le profit la production pour la satisfaction des besoins.
Dans un monde où la production
n’est plus orientée anarchiquement -à travers les marchés- vers la production
pour accumuler de l’argent, mais pour la satisfaction réelle des besoins sociaux, alors l’argent disparaît logiquement
entraînant le dépérissement des prix
et des salaires car ces phénomènes ne
trouvent leur raison d’être que dans les économies d’inégalités et d’insatisfaction
que sont le capitalisme. La disparition de l’argent (des prix et des salaires)
n’est alors pas une gratuité généralisée mais un système rationnel où selon les
capacités de chacun est organisée la satisfaction des besoins matériels et
culturels de tous.
La fin de la concurrence
économique entraîne alors également la fin de l’entreprise, unité de base de la guerre économique. Les travailleurs
ne sont plus condamnés à servir une entreprise-caserne
mais s’associent librement dans le cadre d’une organisation internationale de
la production décidée démocratiquement par l’ensemble des producteurs. Il n’y a
plus ni centralisme ni fédéralisme, mais une auto-organisation supérieure de
l’humanité ne laissant se développer au-dessus d’elle aucune nouvelle classe
sociale ni aucun Etat. Chacun étant indispensable selon ses moyens à la
production, les classes sociales disparaissent ainsi que la spécialisation
professionnelle de chacun. Chaque producteur étant libéré du cadre de l’entreprise et de la spécialisation les activités créatrices de chacun se développent et
fondent une activité sociale supérieure dépassant la réduction de la vie à une production-consommation des sociétés
capitalistes.
De l’auto-organisation ouvrière à l’autogestion des conseils ouvriers révolutionnaires
L’auto-organisation ouvrière n’est
pas un vain slogan, une incantation théorique à appliquer sur le champ
pratique, il est inséparable de l’autogestion sociale et l’histoire du
mouvement ouvrier est jalonné d’exemples d’auto-organisations ouvrières qui
n’ont trouvé leurs limites (abandon face à une avant-garde, à l’Etat légaliste)
qu’à cause de l’absence d’une dynamique globale d’émancipation.
L’auto-organisation isolée n’est alors qu’une proie à moyen terme pour l’Etat
capitaliste national et ses alliés internationaux. Les limites nationales de
l’autogestion des conseils ouvriers ne feraient de la classe ouvrière qu’une classe
auto-exploitée par une gestion auto-patronale en concurrence avec les autres
économies nationales, n’aboutissant qu’à une concurrence économique entre
nations, avec son cortège de guerres, d’accumulation indispensable de capitaux
pour maintenir des investissements dynamisant cette concurrence et, au final,
l’apparition d’une nouvelle classe sociale, spécialisée dans la guerre
économique entre nation, dans l’accumulation de capitaux. Tout cela débouchant
ainsi sur l’apparition d’une nouvelle classe capitaliste qui s’octroierait les
privilèges dus à sa fonction économique stratégique. Un socialisme national ne
ferait que recréer le capitalisme exploiteur à long terme.
L’issue autogestionnaire des conseils ouvriers sera internationale ou bien sera vouée à l’échec, comme l’a
montré la faillite des modèles autoritaires communistes passant du stade d’une
bureaucratie militaire au stade d’une nouvelle classe capitaliste, maintenant
un impérialisme armé au nom d’un idéal dévoyé. Nous, travailleurs de tous les
pays devrons alors reconnaître comme ultimes adversaires les avant-gardes
constituées au sein même de nos rangs et comme rempart à l’émancipation le
maintien des frontières nationales.