L’extrême droite refuse la mondialisation, mais pas le capitalisme entrepreneurial local. Sans questions sur la production ni sur les déchets produits, voici juste un productivisme relocalisé. Pour nous, au contraire, relocaliser, c’est tendre vers une société antiproductiviste et anticapitaliste.
Dans la charte de l’organisation Maison commune
– dont le président est Laurent Ozon, anciennement
chargé de l’écologie au Front national, démissionnaire
après ses prises de position sur la tuerie survenue
en Norvège – se trouve la promotion de “solutions
protectionnistes localistes et écologistes pour
entraver les ravages d’une mondialisation technoéconomique
immature” et de “la relocalisation de
l’économie, afin d’assurer la bio-complexité des cultures
et des identités”. On trouve les mêmes thèmes
sur le site du Bloc Identitaire, autre mouvement d’extrême
droite. “Ce que nous voulons, c’est d’une part,
la réintroduction de la notion de mesure et de lieu
dans l’économie, d’autre part la soumission de celleci
à la volonté politique.” En clair, ces deux groupes
souhaitent une économie localisée, basée sur l’artisanat,
la paysannerie, l’entreprise familiale ou communautaire
de petite taille. Une économie répondant
aux besoins de la collectivité et non à ceux de quelques
individus à la voracité sans limites. Le Bloc Identitaire
encourage vivement des initiatives concrètes telles
que les associations pour le maintien d’une agriculture
paysanne (Amap), les systèmes d’échanges locaux
(Sel), l’habitat communautaire.
Des thèses banalisées par l’extrême droite
Les thèses du Bloc Identitaire semblent être un véritable
creuset d’idées, stimulant toute la droite, Front National
compris. On note les mêmes élans écologistes
dans le discours d’investiture de Marine Le Pen. “Le
bon sens nous interdit de croire à la viabilité d’une planète
dont le seul projet collectif serait de généraliser à
7 milliards d’individus le niveau de consommation et
de gaspillage des ressources sur le modèle des USA.
Voilà pourquoi nous engagerons une grande politique
de relocalisation des productions, c’est-à-dire, concrètement,
le rapprochement des lieux de production et
de consommation afin de renforcer notre autonomie
alimentaire et énergétique. Cette politique de relocalisation
profitera aux producteurs locaux et régionaux”.
Pour l’extrême droite, le thème de la relocalisation
est toujours l’occasion d’un repli communautaire, le
plus souvent très clairement exprimé : la priorité nationale
se décline en priorité locale – emplois, habitats
réservés aux locaux. La politique nationale contre
l’immigration et l’islam se trouve renforcée par les politiques
locales de même nature. Le refus de la mondialisation
affirmé par Marine Le Pen ne signifie pas
un refus du capitalisme entrepreneurial local, dont elle
entend favoriser la liberté ! Il n’existe aucun questionnement
sur la production, et, même si Marine Le Pen
s’élève contre le gaspillage, elle ne met pas en cause
la quantité de déchets produits. Il s’agit seulement
d’un productivisme relocalisé : une dé-délocalisation.
Est-ce bien cette relocalisation dont nous, objecteurs
de croissance, parlons ? Celle du tout-identitaire,
où l’Etat répressif est valorisé, celle du repli sur soi régionaliste,
de la haine de l’étranger ? Ou encore celle
du capitalisme vert qui, récupérant le thème pour faire
des affaires, en tirera toujours profit pour assurer sa
maintenance ? Assurément, non. Pour nous, au con -
traire, la relocalisation est un objectif pour mettre en
place une société anticapitaliste et antiproductiviste.
Elle ne peut être réduite à une impossible autarcie :
d’ailleurs, toutes les activités économiques doiventelles
être relocalisées ? Les alternatives concrètes, si
elles sont nécessaires, demandent à être intégrées
dans un projet écologique plus large. Laissons à la
droite extrême l’impasse de l’autarcie, et défendons l’espoir
d’une autonomie généralisée de nos vies.
Défendre la relocalisation démocratique
La relocalisation de l’économie suppose une redéfinition
démocratique des besoins. Elle implique des
choix sur les produits et la gestion des déchets. Elle
questionne la technique et ne peut se concevoir
sans donner le pouvoir aux citoyens de gérer leur
cité par une autogestion généralisée. Nous sommes
loin du repli sur soi, très inégalitaire, et, au bout du
compte, complètement libéral – si l’on peut parler de
libéralisme pour le concours entre les puissances
d’Etat et les puissances privées.
Il existe donc une relocalisation de droite et une
relocalisation de gauche, qui, partant de constats
pour certains identiques, n’en conduisent pas moins
à des propositions absolument inconciliables. Au
moment où le Front national se revendique comme
étant la troisième force politique du pays, il faut être
d’autant plus intransigeant sur ce qui nous différencie
de ce parti et de ses courants. Cela sera une
des tâches essentielles des écologistes dans la période
à venir.
MARTINE TIRAVY
Association Relocalisons
Association Relocalisons
http://relocalisons.wordpress.com/