Cette action
lancée à partir de quatre magasins Walmart à travers le pays fait craindre au
pouvoir de Pékin l’amorce d’une coordination autonome des travailleurs à
travers le pays.
Construire l’autonomie
en pratique
Tout a commencé dans un Walmart dans la ville de Nanchang (sud de la Chine)
qui débuta la grève vendredi dernier. Dès le lundi la grève sauvage s’est
répandue dans un second magasin de cette même ville puis aux magasins de la
même enseigne de Chengdu (à 1500 km de Nanchang) et enfin à Harbin au nord est
du pays.
Les employés de Walmart ont lancé ces grèves sauvages contre les nouveaux
horaires imposés par la direction.
« Nous continuerons la grève
jusqu’à ce que l’entreprise nous donne une réponse satisfaisante » déclare
Duan Yu, employé au magasin Walmart de Bayi Square à Nanchang.
Mais surtout la grève a fait prendre conscience de la crainte du Parti au
pouvoir d’une coordination autonome des travailleurs, au niveau national, juste au moment où la Chine se prépare à
licencier des millions de travailleurs en conséquence du ralentissement de la
production industrielle. Le nombre de conflits sociaux à travers le pays a
monté en flèche ces dernières années, doublant en 2014 pour atteindre 2 774
grèves en 2015, selon le China Labour Bulletin (une organisation des droits des
travailleurs basée à Hong Kong).
Selon un observateur australien « c’est sans précédent pour les
travailleurs [chinois] de s’organiser d’une telle façon (…), la plupart des
grèves s’organisent dans un lieu unique » or, dans le cas de Walmart, les
travailleurs ont pris conscience qu’ils ont le même exploiteur donc des
intérêts communs.
L’organisation rapide des grèves sauvages a été rendue possible par la plateforme de messagerie
WeChat. Zhang Jung, ancien électricien chez Walmart (à Yantai City, Sahndong) a
été un des nombreux travailleurs à avoir mis en place la communauté Association
WeChat des Travailleurs Chinois de Walmart (ATCW).
L’ATCW a depuis multiplié sa base jusqu’à atteindre désormais 40 groupes
WeChat, avec environ 20 000 membres (le cinquième des employés de Walmart
Chine), et ceci en dépit des menace de la direction de Walmart.
Internationalisme et anti-syndicalisme en action
« Nous supportons également les travailleurs américains de Walmart dans
leur lutte pour les 15 (dollars) » peut-on lire sur une affiche des
grévistes du Walmart de Changdu, en référence à la campagne d’action pour des
salaires à 15$/heure.
Quand à la Fédération chinoise des syndicats elle a été accusée d’indifférence
par les activistes de Walmart. « Le
syndicat reconnu officiellement n’écoute pas les travailleurs. C’est un
paravent pour Walmart » selon Zhang Liya représentant des Walmart en
lutte.
Le syndicat officiel aurait même signé un accord avec la compagnie en 2006
qui autorise Walmart à mettre en place des syndicats-maison aux ordres des managers.
Selon Duan « les leaders du syndicat sont désignés par les managers,
ils nous demandent de retourner au travail ».
Une des revendications majeures des travailleurs est la suppression du
nouveau système d’horaires qui permet aux managers de programmer la flexibilité
des heures de travail : un nombre d’heures illimitées par jour ( !)
pouvant aller jusqu’à 174 heures par mois, tout cela sans être payé à un taux majoré
d’heures supplémentaires bien sûr ! Les dirigeants ont répondu en argumentant
que la majorité du personnel qu’ils ont
contacté est en faveur d’un tel changement (!!).
Sans aucun statut officiel, cette coordination ne peut pas prendre part aux
négociations collectives, ce qui est une bonne chose puisque les négociations c’est
toujours, quelque part, la corruption des négociateurs. Cette coordination se
trouve devant une perspective : l’enlisement voir l’officialisation de ses
représentants, ou l’extension au reste de la classe ouvrière chinoise pour
affronter le capitalisme dans une coordination de classe élargies, en prévision
de la future crise sociale chinoise dans l’industrie et son cortège de
licenciements déjà annoncé par les autorités.