mardi 11 février 2014

Centralisme et fédéralisme


 Le combat que l’union générale ouvrière a à mener est la lutte de classe dans sa forme la plus pure. Elle vient déjà à bout d’une partie de ce combat en se constituant elle-même selon l’idée prolétarienne  des conseils [ouvriers révolutionnaires], en opposition aux formes d’organisation capitalistes : [bureaucraties syndicales et partis politiques]. De toute façon dans le processus de production elle cherche sans cesse à transposer dans la réalité cette idée de façon toujours plus claire et pure. Son existence seule est déjà une menace pour les forces capitalistes. Elle donne un exemple du développement et de la cristallisation progressive de la conscience de classe prolétarienne et force donc l’ensemble du prolétariat à une prise de position. La croissance de l’organisation dans cette direction repoussera de plus en plus à l’arrière plan la lutte entre ce que l’on appelle le centralisme et le fédéralisme. Du point de vue de l’union générale ouvrière, la polémique autour de ces deux principes, de ces deux formes d’organisation, deviendra une querelle de mots vides. Il faut évidemment comprendre ces deux termes d’après la signification qu’ils ont eue jusqu’à présent et ne leur donner aucun sens nouveau.


Nous entendons par centralisme la forme  qui, par la volonté de quelques uns, tient les masses en laisse et les asservit. Pour l’union générale ouvrière il s’agit du démon qui doit être exterminé. Il est antisocial.
Le fédéralisme est son antagoniste, mais son antagoniste sur la base du même système économique. C’est la souveraineté, l’entêtement obstiné de l’individu (ou de l’entreprise, ou de la région, ou de la nation) pris en soi-même. Il est également antisocial et on doit le combattre tout autant.
Ces deux formes se développèrent progressivement dans les siècles passés. Le fédéralisme l’emporta au Moyen Age, le centralisme pendant la période du capitalisme avancé.
La sympathie pour le fédéralisme repose tout simplement sur le fait que voyant en lui la négation du centralisme, on suppose alors qu’il apporterait la libération et le paradis. Ce désir de fédéralisme conduit à une caricature d’autonomie (droit d’autodétermination). On croit agir de façon sociale et prolétarienne quand on attribue à chaque région, chaque lieu (on devrait le faire pour chaque personne) l’autonomie dans tous les domaines. En fait on ne fait qu’abolir l’empire pour le remplacer par une quantité de petites principautés. De partout surgissent des roitelets (fonctionnaires) , qui régissent de leur côté, de façon « centralisée » une fraction des adhérents comme si c’était leur propriété : il s’ensuit une dislocation et une ruine générale.
Le centralisme et le fédéralisme sont tous deux des formes d’expression bourgeoises. Le centralisme étant plus de caractère grand-bourgeois, le fédéralisme plus petit-bourgeois. Tous deux sont anti-prolétariens et entravent la pureté de la lutte de classe. Le prolétariat sait qu’il ne pourra vaincre le capital que s’il s’unit en rangs serrés. Plus avancera la formation du système des conseils [ouvriers], et plus l’union du prolétariat gagnera en intensité et en extension. Dans cette union, avec son contrôle par en bas, avec son déchaînement de toutes les potentialités et de toutes les forces prolétariennes, avec ses liens étroits reliant les [délégués révocables] à la masse, tout conflit se résorbera, car c’est dans cette union que le développement de la conscience de classe, le développement de l’affinité sociale absolue deviennent réalité. D’abord dans les esprits, puis, plus tard, économiquement, dans l’économie communautaire.
On comprendra aisément que tout ceci n’est encore qu’en devenir  et que le chemin que doit parcourir l’union générale ouvrière avant d’atteindre ce but est encore long, que maintes erreurs seront encore commises, (en particuliers des empiètements de certains organismes ou certains fonctionnaires ; ce qu’on comprendra aisément à cause du désordre des charges « autonomes ») ; ceci donnera aux « centralistes » et aux « fédéralistes », composés pour la plupart de bons combattants, mais aux idées confuses, l’occasion toujours renouvelée de s’élever contre la dictature ou d’exiger plus de dictature. Mais cela ne doit pas empêcher de suivre la voix juste ; ce qui veut dire que le prolétariat, en tant que classe internationale,  recherche et trouve, en construisant le système des conseils, son union de plus en plus étroite, union qu’il réalise pour vaincre définitivement le capitalisme et son esprit, union qui n’aboutit à son accomplissement que plus tard, dans la société sans classes.

Extrait de Textes de l'Union générale ouvrière, 1921.