samedi 3 octobre 2015

Le frontisme au service du patronat

Gros pognon et belles gueules : le petit patronat frontiste fait la teuf à Lyon
Le 16 septembre 2014 sur son son site internet le Front National claironnait fièrement être arrivé en tête des sondages dans la catégorie sociale des petits patrons (49% des patrons de TPE considèrent le Front National comme « le plus proche des préoccupations des Français »). Ceci n'est pas étonnant lorsque l'on connait le programme du parti frontiste d'une part (véritable calque antisocial des revendications de la CGPME) et les intérêts convergents entre l'élite frontiste et certains capitalistes industriels d'autre part. Le plus étonnant est la fausse conscience de cette minorité ouvrière qui se soumet à l'idéologie antisociale frontiste au lieu de s'auto-organiser pour défendre ses propres intérêts de classe loin du cirque électoral. Dans un élan suicidaire cette fraction ouvrière se soumet aux intérêts du petit patronat et de son idéologie auto-persuasive de la "création de l'emploi" (comme si le but du profit était de créer des emplois et non pas d'être productif c'est à dire contre l'emploi). "Audace - Jeunes actifs patriotes" est ainsi la voix de la petite-bourgeoisie frontiste et de ses intérêts au sein du Front National. N'importe quel prolétaire dénué de tendance suicidaire peut consulter le site frontiste et se faire ainsi une idée du programme antisocial (à l'instar de tous les autres partis politiques ne nous leurrons pas) du Front National. 

Comment peut-on trahir sa classe sociale et se soumettre à un parti bourgeois [1] qui annonce fièrement consolider sa présence au sein du patronat ? Comment penser qu'un parti puisse défendre et la classe ouvrière et la bourgeoisie ? Cette stratégie de la bourgeoisie frontiste est aussi mise en oeuvre par un autre collectif, Cardinal -dirigé par Alex Lousteau, personnage trouble- et dont l'objectif est de "faire du nucléaire la clé de la transition énergétique, sans hausse de prix; amendements à la loi sur l’économie sociale et solidaire." (sic!). Bien sûr on ne pense pas que cette revendication entre en contradiction avec l'écologie en carton pâte d'un autre collectif frontiste "Nouvelle Ecologie". Mais le plus remarquable est sans doute ce Cercle Cardinal "où siégeraient quelques cadres sup du CAC 40" dont "Pierre (le prénom a été modifié) [qui] est directeur général d’une filiale d’une société du CAC 40. Il fait partie des membres fondateurs du cercle Cardinal. Il raconte: “J’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de discuter avec elle [Marine Le Pen]. J’ai été bluffé par sa capacité d’écoute et sa volonté de comprendre nos préoccupations. Je l’ai vue reprendre in extenso des éléments de langage qu’on lui avait soumis et y adhérer avec conviction.” [2]

[1] - L'organisation du Front National est claire dans les régions stratégiques comme l'a montré l'établissement des listes électorales frontistes : les candidats nationalistes sont d'une façon écrasante des bourgeois. Le prolétaire c'est bon pour coller les affiches et se salir les mains.
[2] -  Comment le FN infiltre les réseaux patronaux in L'Expansion, 11 mai 2015.

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Le Front National s'inscrit pleinement dans la logique de l'offensive capitaliste actuelle de la gauche libérale. Nous reproduisons donc ci-dessous un article de Initiatives Syndicales Antifascistes pour l'illustrer. Ni Front National, ni Front Républicain, abstention et auto-organisation ouvrières sont la seule solution au capitalisme et à sa crise.

 FN et Lois Macron / Rebsamen : Opposition de façade sur fond nationaliste

[VISA] - Quelles que soient les positions syndicales sur les dernières lois Macron et Rebsamen, nous pouvons nous accorder pour affirmer qu'elles vont changer de manière importante le quotidien des salarié-e-s et de leurs représentants. VISA se devait de scruter le positionnement de l'extrême droite sur ces deux lois : en effet, le FN, qui se revendique comme le « premier » parti dans les classes populaires, publie quasi toutes les semaines des communiqués de presse pour dénoncer les suppressions d'emploi, la précarité, le chômage galopant, etc...
Outre la position officielle du parti, il est aussi essentiel de recenser le travail des parlementaires qui lui sont attachés. Les député-e-s et sénateurs du FN, sensé-e-s représenter les intérêts de leurs électeurs, se sont aussi penché-e-s sur ces lois. Il ne sera pas ici traité des positionnements du FN autour des recours à l'article 49-3 de la constitution, qui ont donné lieu à de multiples interviews et articles dans la presse.
Enfin, nous ne saurions être complets sans aller examiner les productions des collectifs qui lui sont attachés. Depuis le 1er mai 2015, le « Cercle National des Travailleurs syndiqués », de Fabien Engelman et Thierry Gourlot, est « concurrencé » par le « Front Syndical » crée par la fédération FN de Paris. Le « collectif AUDACE », cercle de « jeunes entrepreneurs de TPE-PME », est aussi une composante essentielle, sur ce sujet, de la nébuleuse FN.
1. Sur la loi « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques » dite « Loi Macron » 
Cette loi du 6 août 2015 « pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques », dite loi Macron, est le prototype de la « loi fourre-tout ». Elle contient des dispositions relatives au commerce, à l'investissement, à certaines professions réglementées mais aussi à la vie des salarié-e-s dans les entreprises. Environ 300 articles, des milliers d'amendements, des dizaines d'heures de débat, et une procédure dite 49-3 de la Constitution, pour laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité.
Au vu de cette masse d'articles, la plupart des député-e-s ont fait des choix : se centrer sur telle ou telle partie, intervenir, poser des questions, soumettre des amendements et les défendre. Ces choix sont évidemment politiques : il n'est pas anodin d’intervenir majoritairement sur les dispositions concernant les avocats ou les huissiers de justice, ou encore sur les droits des institutions représentatives du personnel, et même sur le travail dominical. La sensibilité politique, de droite ou de gauche, ressort à cette occasion avant même d’étudier le sens des amendements ou des déclarations.
Le positionnement du FN sur la loi Macron : la défense de l'électorat traditionnel des TPE-PME
Dans ses deux communiqués de presse des 28 janvier et 9 juin 2015, la présidente du FN,  développe un thème cher à l'extrême droite : la défense  des « petits » contre les « gros ». Elle dénonce, pêle-mêle, les impacts négatifs de la loi Macron sur les « professions réglementées essentielles aux besoins de proximité des citoyens (services, professions juridiques, etc.) », sur les TPE-PME et sur les « salariés ».
Elle dénonce aussi les « déréglementations de professions au bénéfice des gros contre les indépendants » ou encore des « privatisations en cascades ». Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen, députés FN à l'Assemblée nationale, ont voté contre cette loi.
Durant les débats, quelques amendements ont été déposés par ces 2 députés. La plupart ont été retirés avant d’être débattus. Ils ont été à chaque fois rédigés de la même façon : ils visaient à supprimer les articles de la loi concernant le travail dominical et en soirée. Une petite phrase préalable indiquait que le «  chapitre sur le travail du dimanche pulvériserait les acquis sociaux concernant le repos dominical et le droit à une vie familiale en soirée ».
A celles et ceux qui s'attendaient encore à une défense inconditionnelle des salarié-e-s, voici ce que les députés FN pensent des dispositions d'avant la loi Macron : « La législation existante est suffisamment claire ; avec des exceptions raisonnables et limitées. Il n'était donc nul besoin de réexaminer les règles actuellement en vigueur ».
Le reste du texte de motivation des amendements de suppression est une défense, dans la ligne du FN et de sa présidente, des « petits commerces » et de leurs difficultés face à la concurrence des grandes enseignes.
Notons enfin qu'un de ces amendements a été déposé avec Véronique Besse, membre de « Debout la République », députée de la 4ème circonscription de Vendée et maire des Herbiers.
Les sénateurs FN, Stéphane Ravier et David Rachline, ont aussi déposé plusieurs amendements, puis les ont retirés. Sur le travail de nuit et le travail dominical, ils visaient, comme ceux de leurs collègues députés FN, à retirer le chapitre sur le travail dominical et en soirée. Toutefois, ces amendements, plus courts, ont été rédigés différemment, suivant ainsi une ligne politique « identitaire » (au sens strict du terme), plus marquée.
En premier lieu, les sénateurs repoussent « l'extension » du travail dominical et en soirée. Nulle mention dans ces amendements d’« acquis sociaux » en recul. David Rachline a simplement souligné, lors d'une de ses interventions à l'assemblée, le manque d'argent « des Français », faisant qu'ils ne pourront pas le dépenser le dimanche.
« Le repos dominical » est décrit comme un « héritage de notre histoire et de notre culture. En filigrane, il est bien entendu question de culture et d'histoire chrétienne. « Le repos dominical » est ensuite « le gage de la préservation de la vie familiale, du vivre ensemble, du commerce de proximité, etc. ». On retrouve ici non seulement la défense des « petits commerçants », mais aussi celle de la famille. Ainsi sont exprimés, en quelques phrases, deux marqueurs importants de l'idéologie FN.
Dans la même veine, Marine Le Pen, pour fustiger l'élargissement du travail dominical, s'insurge dans son communiqué du 28 janvier 2015 contre « l'américanisation de notre société par le travail le dimanche » prévue par la loi Macron.
Enfin, la fédération FN de Paris, respectant toujours cette ligne de défense des « petits commerçants » a beaucoup communiqué, analysé et proposé, au travers de 3 communiqués (des 4 septembre et 2 décembre 2014, puis du 16 février 2015) de Wallerand de Saint-Just, secrétaire départemental de Paris, et membre du bureau politique du FN .
Le FN de Paris se positionne ainsi contre l'élargissement des possibilités pour les « grandes enseignes » de Paris de recourir au travail dominical. Des tracts auraient même été distribués aux salariés de ces magasins.
Mais, si cet élargissement n'est pas souhaitable, pour le FN, c'est parce qu'il « tue le petit commerce » par une concurrence déloyale. Selon le communiqué du 2 décembre 2014, « ces commerces traditionnels auraient pourtant bien besoin d’un jour travaillé supplémentaire pour arrondir un chiffre d’affaire souvent insuffisant pour survivre et ils sont bien trop fragiles pour supporter le surcoût salarial lié à l’ouverture dominicale ».
Les propositions du FN Paris sont à l'avenant :
« 1) autorisation de l’ouverture dominicale des grandes enseignes uniquement dans certains quartiers bien définis de la capitale avec obligation de compensation financière et de volontariat des salariés,
2) généralisation de l’autorisation d’ouverture dominicale dans l’ensemble de la capitale exclusivement au profit des petits commerces, mais sans mécanisme de compensation car ils ne sauraient faire y face financièrement ».
Elles ont été rappelées par le communiqué de Wallerand de Saint-Just, du 19 août 2015, qui se pose ainsi à nouveau en défenseur des « petits commerces ».
Le principe du repos dominical et de la justice pour les salarié-e-s est donc, pour ce membre du bureau politique du FN, fonction de la zone où ils/elles travaillent et de la taille de leur entreprise.
Le principal argument est la traditionnelle défense des TPE-PME, face à l'hégémonie des grandes enseignes.
Toutefois, derrière l'étiquette de TPE-PME se cache des réalités bien différentes : entre commerçants indépendants et sans salariés et commerces de bouche (boulangeries, pâtisseries) ou franchises de commerce de détail alimentaire aux bénéfices importants, il existe une différence réelle, que les salarié-e-s et les syndicats du secteur connaissent bien.
On sait qu'une partie de cet électorat a en effet suivi le FN depuis sa création. Il convient de noter que le programme présidentiel de Marine Le Pen insistait déjà sur ce type d'entreprises et les professions libérales pour redonner de la croissance et booster l'emploi.
La création du collectif « Audace-Jeunes Actifs Patriotes » et son dynamisme ne sont pas sans lien avec ce regain du FN dans sa volonté à défendre la liberté d'entreprendre et à mettre en valeur ce type d'entreprises. De nombreux articles de presse, ces derniers mois, ont souligné une attirance des « petits patrons » pour le FN. Le collectif « Audace », composé de jeunes cadres dirigeants, de jeunes indépendants et de jeunes entrepreneurs, a été maintes fois interviewé. Des élus et dirigeants du FN, et en particulier Marion Maréchal-Le Pen, s'affichent régulièrement dans les colloques et actions de ce collectif.
Le collectif « Audace » n'a certes pas communiqué sur la loi Macron en tant que tel , toutefois, si on en croit les interventions des élus FN à l'Assemblée nationale et au Sénat, on devine que les idées libérales de ce collectif les a largement inspirés.
Le FN a beaucoup communiqué sa position sur les dispositions de la loi Macron relatives au travail dominical. Mais, le parti semble se satisfaire des dispositions en vigueur avant cette loi. Pour mémoire, ces dispositions ne concernaient pas que les professions dont le travail dominical est indispensable. Tous les salarié-e-s des commerces de vente au détail de biens et services des « zones touristiques et thermales » pouvaient devoir travailler le dimanche sans compensation spéciale. Certaines de ces zones, comme à Paris, ont été légalisées par la force à la suite d'ouvertures illégales mais prolongées de « petits commerces ». Tous les salarié-e-s des commerces alimentaires pouvaient devoir travailler le dimanche jusqu'à 13 heures, sans compensation spéciale. La loi Maillé de 2009 avait aussi légalisé l'existence illégale de zones commerciales entièrement ouvertes le dimanche (les Périmètres Urbains de Consommation Exceptionnelle).
Tous ces reculs, plus ou moins récents, sont des « exceptions raisonnables et limitées » pour le FN, ou des dispositions qui permettraient au petit commerce de fonctionner. Pour ce parti, l'absence de contreparties salariales ou en repos pour ces salarié-e-s n'est pas un problème. Si la loi Macron est un recul des droits, la situation antérieure l'était tout autant.
Enfin, la même loi ne contient pas uniquement des dispositions concernant le travail dominical. Le travail de nuit, les procédures concernant les plans sociaux y sont notamment abordées et constituent autant de reculs des droits des salarié-e-s dans les entreprises. Mais, de ces aspects, le FN, si prompt à dégainer les communiqués vengeurs à chaque plan de licenciement, n'en a manifestement cure, car il brille par son silence, tant dans ses communiqués que dans les interventions de ses parlementaires.
Le recul que constitue la loi Macron sur ce point ne fait pas débat dans les syndicats : d'ailleurs, la totalité des organisations syndicales de salariés (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC) a voté  contre le projet de décret portant application de la loi Macron sur ce point, à l'occasion de la réunion exceptionnelle du 15 juillet 2015 de la commission nationale de la négociation collective. L'Union syndicale Solidaires, a aussi fait part de sa totale opposition à cet élargissement.
Les syndicats, eux, unanimement, n'ont pas oublié les conditions de travail et d'emploi des salarié-e-s !
Le FN contre la loi Macron : entre rhétorique anti-européenne et mise en avant du concept de « protectionnisme intelligent »
Dès la présentation du projet de loi, le FN a évidemment déclaré son opposition, par la voix, de sa présidente. Les communiqués de Marine Le Pen des 28 janvier et 9 juin 2015, lui donnent une nouvelle occasion de fustiger la politique libérale de l'Europe et le rôle de valets joué par ce qu'elle nomme aujourd'hui l'RPS (anciennement nommée UMPS).
La rhétorique de Marine Le Pen utilise, pour partie, non seulement pour la loi Macron mais pour la quasi totalité des lois, l'image des « valets » ou des « soldats » de Bruxelles que constitueraient les partis du « système », les Républicains et le PS en tête, l'Union européenne étant elle-même inféodée à l'oligarchie financière et aux multinationales,
la loi Macron est décrite par la dirigeante du FN, dans son communiqué du 9 juin, comme, d'une part, « la contrepartie exigée à l’acceptation du budget de la France par l’Union européenne », et, d'autre part, un bouleversement de « l’équilibre du modèle français dans ce qu’il a de plus sain et de plus protecteur ».D'ailleurs, elle affirme dans son communiqué du 28 janvier : « Rien n’illustre mieux la perte de souveraineté de la France par rapport à l’Union européenne que la Loi Macron ».
La responsabilité des partis politiques français dans ces politiques libérales est évidemment mise en avant. Elle est souvent corrélée par leur appartenance au « système » et leur rôle de courroie de transmission de l'Europe mondialiste.
Outre la dénonciation nationaliste de la mondialisation par le FN, ce type discours permet de présenter le FN comme le seul parti anti-système (mondialisé), qui défendra le « peuple français » contre les banques et l'oligarchie financière, représentées par l'Europe et les partis du système. Cela lui permet aussi de mettre en avant l'idée d'un « modèle social français », insistant ainsi, évidemment sur son caractère national. Cette argumentation a été largement reprise par David Rachline, lors de son intervention au Sénat sur la loi.
Ce type de discours permet d'éluder l'emprise des idées libérales dans la plupart des partis politiques français, Front National compris : en effet, les choix économiques du FN, les interventions de ses élu-e-s et cadres, tant dans le programme que dans les actes, sont autant inspirés de politiques économiquement libérales.
VISA, dans ses 2 dernières brochures, ou dans ses chroniques « Lumières sur Mairies Brunes » démontre qu'outre des idées économiquement illusoires, le FN ne rate aucune occasion de casser des acquis sociaux, de détruire les acquis de politiques sociales municipales ou bien de mettre clairement en avant des politiques ouvertement libérales.
La différence prônée par le FN est que ce libéralisme reste dans un cadre national, protégé par des politiques douanières et monétaires spécifiques que d'autres pays, qu'on ne saurait taxer d'anti-système, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, ont déjà expérimentées. Ensuite, le fait de mettre en avant un modèle « social » spécifiquement français fait partie de la rhétorique nationaliste du FN. La caractéristique nationale est aussi, sinon plus, importante que le modèle en lui même.
Le modèle dit social du FN est réservé aux seuls « nationaux » dans un cadre national, avec un programme de financement fondée sur une réduction des cotisations sociales et des impôts et dont les allocataires se refuseront par essence à toute « fraude ». Les politiques des municipalités FN à l'égard des plus pauvres ou le programme du parti suffisent pour réfuter tout caractère « social » au FN.
Il convient, pour les syndicalistes d'être attentifs à toute résonance, dans nos syndicats ou parmi les salariés, de ce genre de discours, visant à mettre en premier lieu sur le compte de l'Europe la responsabilité des politiques libérales, et d'ériger le symbole d'un « modèle social français », modèle qui ne serait plus défendu par les « partis du système », courroies de transmission d'intérêts d'«oligarchies et de multinationales à majorité étrangère ».
La crainte de l'avenir, la réalité d'une Europe libérale et, plus récemment, la crise catastrophique pour les travailleurs de Grèce peuvent inciter, ou incite déjà certains appartenant pourtant aux classes laborieuses à se tourner vers ces croyances nationalistes, tendant à trouver le salut dans un repli à l’intérieur des « frontières nationales », et vers le FN en particulier.
Le discours syndical se doit de démonter systématiquement ces idées nauséabondes. Si les politiques économiques et sociales à entreprendre sont un vrai débat dans le mouvement syndical, il convient de ne pas oublier que le cadre national, ou nationaliste, d'un modèle « social » nie l'histoire même de la construction de ces modèles sociaux : les acquis sont le produit, avant tout, des luttes sociales, dans chacun des pays. Contrairement à l'extrême droite, les syndicats ne peuvent que se réjouir et s'inspirer de la progression des acquis sociaux des autres pays. En outre, dans un cadre mondialisé, le cadre national n'est pas efficace et n'a pour conséquence que de mettre les salarié-e-s en concurrence. Les salariés détachés en sont un exemple fragrant : la mise en concurrence des systèmes de protection sociale nationaux, pour accroitre la rentabilité du travail, ne profite qu'aux employeurs.
Aucun des salariés n'en bénéficie, du fait de la politique libérale du « moins disant social » : La protection par le repli dans le cadre national ne permet pas de résoudre la question, car la volonté de réduction des coûts s'adapte aux cadres juridiques, fussent-ils drastiquement régressifs, par le travail au noir. Seule une harmonisation des droits sociaux par le haut le permet : mais cela, l'extrême droite, et Marine le Pen en particulier, ne le défend pas.
Avec sa critique de la loi Macron, et de la politique européenne, Marine Le Pen peut, de nouveau, mettre en avant des « solutions » en matière de politique économique : elle peut ainsi opposer que « seule une politique de restauration de notre souveraineté économique (monnaie, protectionnisme intelligent, patriotisme économique) et de soutien aux TPE/PME, permettra de retrouver les conditions d’une reprise durable, tout en résistant aux pressions de l’oligarchie financière ».
2. loi relative au dialogue social et à l'emploi dite « loi Rebsamen »
La « loi relative au dialogue social et à l'emploi », promulguée le 18 août 2015, a été examinée auprès des commissions des affaires sociales et en plénière des deux assemblées entre avril et juillet 2015.
Les députés FN sont intervenus dans les débats ou ont publiquement exprimé leur position au travers de communiqués. Les sénateurs FN Rachline et Ravier n'ont manifestement pas cure «  du dialogue social et de l’emploi »: VISA n'a ainsi trouvé aucune trace d'intervention, d'amendement ou de communiqué de presse des deux sénateurs FN concernant cette loi. Nous n’avons pas davantage trouvé de communiqués ou analyses publics, de la Présidente du FN ou d’autres membres du bureau politique.
Les députés Maréchal-Le Pen et Collard ont expliqué le sens de leur vote (contre) par un communiqué du 3 juin 2015 : la création des « commissions paritaires interprofessionnelles » serait une pénalisation des TPE.
Pour ces députés, « l’infiltration du syndicalisme à l’intérieur de la petite entreprise remet en cause le dialogue direct entre le patron et ses employés », et ne rajouterait que des possibles « tensions internes », qui seraient « ajoutées aux lourdes contraintes budgétaires existantes qui asphyxient les petites entreprises ». Cette phrase expose la vision du FN des relations sociales entre salarié-e-s et employeurs : un dialogue direct et sans intermédiaire.
Comme VISA l'a affirmé à plusieurs reprises, cette idéologie est pleinement héritière des corporations instaurées en France sous Vichy : une gestion d'intérêts différents, gérée individuellement ou avec quelques filets de protection minimaux instaurés par l'Etat.
Soulignons aussi le choix du terme « infiltration » pour qualifier l'entrée prétendue des syndicats dans les TPE, un choix qui suggère une irruption progressive, sans bruit et à l'insu des patrons.
Même si Marion Maréchal-Le Pen déclare dans son intervention en hémicycle du 26 mai dernier que « les syndicats sont utiles et nécessaires par principe », il convient, à la lumière du communiqué, de conclure que le FN ne peut qu'accepter un « syndicalisme » de type corporatiste et évidemment non revendicatif. A la lumière de ce même communiqué, et au vu de la valorisation du « dialogue direct » entre salarié et employeur, on peut aussi faire l'hypothèse que la représentation du personnel et son organisation collective dans l'entreprise est analysée au FN comme une « perte de temps » et une « lourdeur » de plus dans les pattes de l'employeur.
Pour une vision plus concrète de la vision du « dialogue direct » à la sauce FN, il convient de se reporter au livre « Lumières sur Mairies Brunes »  édité par VISA : les maires FN sont coutumiers des atteintes à l'action syndicale et de la mise en pièce des acquis sociaux des personnels communaux. Les craintes des personnels municipaux s'ils venaient à revendiquer leurs droits, les baisses drastiques ou totales de subventions des structures associatives ou sociales vues comme « oppositionnelles » sont monnaie courante dans les mairies à majorité FN.
Enfin, par leurs interventions ou communiqués, les députés FN démontrent leur méconnaissance de la réalité du terrain : les syndicalistes interviennent dans les TPE. L'impossibilité d'une représentation en interne n'empêche pas de se syndiquer. Elle n'empêche pas non plus l'intervention syndicale des syndicats de branche ou des unions syndicales locales interprofessionnelles dans les litiges, par les courriers de rappel des textes ou la défense prud’homale.
Les commissions paritaires territoriales pour les TPE, crées par la « loi Rebsamen » n'octroient pas de droit d'entrée inconditionnel dans les entreprises : la commission, paritaire, peut se déplacer dans son enceinte, sous réserve de l'accord de l'employeur. Les avis rendus n'ont pas de force juridique particulière, et ne sauraient contraindre l'employeur, mais ont vocation à le renseigner et éventuellement concilier les parties. Il ne s’agit en aucune manière d’une quelconque «  infiltration » syndicale !
Marion Maréchal-Le Pen a, dans sa même intervention, fustigé les centrales syndicales actuelles pour « non représentativité », leurs « oppositions de principe » et leur financement, trois thèmes récurrents de dénonciation des syndicats pour l'extrême droite. Elle a surtout dénoncé les exclusions de militants FN de centrales syndicales, preuve, s'il en est, que ces réflexes enrayent la stratégie actuelle du FN en direction des salarié-e-s.
VISA constate que les militants FN, exclus (ou non) d’un syndicat, pas plus que le « Front Syndical », comme le « Cercle National des Travailleurs syndiqués » ne se sont pas exprimés sur ces deux lois.
Le principal animateur du Front Syndical, Dominique Bourse-Provence a jugé plus utile d'étaler publiquement la procédure d'exclusion à son encontre très justement mise en place par la CFDT Paris. Ce conseiller prudhommal, pourtant concerné par ces deux lois, dont l'une réforme d'ailleurs le statut d'élu qu'il met en avant pour sa promotion personnelle, s'intéresse plus à sa petite personne et à quelques articles de presse sur le FN qu'aux lois concernant l'ensemble des salarié-e-s. Thierry Gourlot, membre historique du FN, élu régional FN en Lorraine, n'est pas plus causant. Du côté du « Cercle National des Travailleurs syndiqués », c'est l'encéphalogramme plat.
C'est au travers de lois contenant des dispositions impactant directement les salarié-e-s que se dessine la position réelle du FN. Les positions sont imprécises, en général destructrices des droits de chacun-e- dans les entreprises.
Le FN ressasse son discours habituel sur la concurrence entre salarié-e-s « français-e-s » et salarié-e-s « étrangèr-e-s », ou prétend répondre aux revendications des travailleurs avec un discours sécuritaire. Son programme social est proche des idées libérales et continue donc de prôner un dialogue « direct » entre employeurs et salarié-e-s ou une organisation corporatiste, dans la tradition de l'extrême droite.
Sa tentative de stratégie d’infiltration des défenseurs des salarié-e-s se heurte à une détermination, qui va en s’amplifiant, des structures syndicales, et n'a pour seule conséquence que la création de coquilles vides, beaucoup moins productives que les collectifs FN patronaux.
Sans faiblir, la stratégie syndicale d'exclusion des militants d’extrême droite de ses rangs doit continuer car les idées du FN vont à l'encontre des intérêts et des droits des salarié-e-s.