Femmes et ouvrières en lutte
[Zones-Subversives] - Les ouvrières subissent des oppressions de genre et de classe. Mais leurs luttes permettent d'attaquer toutes les formes d'autorité.
Les
ouvrières demeurent délaissées par l'histoire des femmes et surtout du
mouvement ouvrier. Elles subissent pourtant une double oppression : de
genre et de classe. L’historienne Fanny Gallot se penche sur les ouvrières dans son livre intitulé En découdre.
De l’insubordination ouvrière des années 1968 aux plans de licenciement
des années 2000, cette étude évoque les mutations du capitalisme et des
luttes sociales. Les usines de Chantelle et de Moulinex deviennent un
terrain d’observation de cette étude.
Des
jeunes ouvrières non qualifiées sont embauchées durant les années 1970.
C’est toute une génération qui traverse l’usine. Une véritable
communauté se développent, avec des liens forts qui unissent les
ouvrières. A partir des années 1980, des salariées sont recrutées en
intérim ou en contrat précaire. Les ouvrières les plus jeunes veulent
travailler plus rapidement de peur que leur contrat ne soit pas
reconduit. Un clivage s’observe alors entre les générations.
Alors que depuis la fin des années 1990, le monde ouvrier revient sur le devant de la scène avec des luttes de plus en plus dures (occupations, séquestrations, grèves de la faim, menaces de faire « sauter l’usine », etc.), le rôle joué par les femmes a été passé sous silence. À la différence des hommes, elles ont souvent effectué leur carrière entière dans la même usine et subissent de plein fouet l’épreuve des restructurations ou de la liquidation pure et simple.
Qui sont ces femmes décidées à « en découdre » ? Ayant commencé à travailler après 1968, elles n’ont plus grand-chose de commun avec leurs mères : elles ne sont ni fatalistes ni résignées. Grâce à leurs combats, de nouvelles lois ont révolutionné le travail et, plus largement, la société. Elles ont obtenu d’être reconnues comme des salariée s à part entière, et non pas comme des subalternes devant se contenter d’un salaire d’appoint. Elles ont mis en cause le pouvoir des petits chefs disposant d’un quasi-droit de cuissage. Elles ont donné sa dignité au travail en usine jusqu’alors considéré comme dégradant pour une femme. Elles ont changé le fonctionnement syndical en refusant de tout déléguer aux hommes. Les syndicats ont été obligés de prendre en charge des questions comme la contraception, l’avortement ou le partage des tâches familiales.
Fanny Gallot s’est appuyée, entre autres, sur les témoignages précis des femmes engagées dans cette lente et profonde révolution. Elle raconte leurs histoires surprenantes et émouvantes, comme celles des ouvrières de Chantelle et Moulinex dont les luttes ont marqué l’actualité.
Les
ouvrières subissent une « vie de fous » et doivent toujours courir. Le
temps de travail domestique s’ajoute au temps de travail salarié et de
transports. Les
ouvrières doivent s’imposer une gestion et une programmation du temps.
Les moments de détente deviennent très rares. Dans les usines, l’horloge
et le chronomètre imposent leurs cadences, comme dans le film Coup pour coup.
Dans les années 1968,
des mouvements de contestation s’organisent autour du « temps de
vivre ». Des formes de réappropriation du temps se développent.
L’ambiance de travail permet de s’adapter et d’oublier les contraintes
de temps, de penser à autre chose en discutant ou en riant. Des
phénomènes d’« autoréduction » des cadences permettent aux ouvrières de
décider ensemble de baisser leur rythme.