Pour tout être humain qui
par son activité, seul ou en association avec d’autres, réalise une
œuvre quelconque (objet ou création intellectuelle), l’idée toute
naturelle est que cette réalisation est sa (leur) création et qu’il a
(ils ont) le droit naturel d’en disposer comme cela lui (leur) chau.
Dans cette activité, qu’il soit seul ou associé à d’autres, il entend, tout naturellement en être le maître, c’est-à-dire en définir le projet, l’organisation, le rythme et l’ensemble des composants qui contribueront à la réalisation de l’œuvre.
Si je rappelle ainsi ce qui me paraît une évidence dans tout régime communiste, c’est pour souligner que de la règle de base du système capitaliste – l’appropriation du produit de l’exploitation de la force de travail – découlent pour les travailleurs de tous ordres les conséquences suivantes (laissant de côté la conséquence économique primordiale de cette appropriation) :
-l’idée chez les travailleurs de contrôler leur propre activité dans leur participation à une réalisation quel conque ne peut venir que de celui ou ceux qui ont œuvré pour cette réalisation dans ce que sous le capital on appelle le secteur
productif, c’est-à-dire que la notion de conseil ouvrier ou d’autogestion n’a vraiment de sens que dans ce secteur d’activité ;
- que si par hasard, cette notion de conseil et/ou d’autogestion peut être évoquée dans un des secteurs improductifs c’est-à-dire gérant la distribution de ces réalisations, leur vente et le retour du produit argent de cette vente, secteurs entièrement dépendants du secteur productif, elle n’a alors qu’un sens très restrictif car le « autonome » ne peut s’appliquer qu’à un accessoire et non à une réalisation quelconque dont de toute façon il dépend entièrement ;
- lors de la disparition sous le capital d’unités d’activité du secteur productif ou improductif pour une raison quelconque (concurrence, obsolescence du produit, mauvaise gestion, concentration, etc.) on trouve souvent exprimée, d’une manière directe ou diffuse, l’idée que le produit et tout le matériel de l’unité de travail ne représente en fait que le produit de leur travail. L’occupation, le « » de marchandises n’est alors qu’une réappropriation qui semble tout à fait normale et dans la ligne logique de l’activité, illustrant alors la rupture – toute temporaire- avec le cadre légal de fonctionnement de l’unité de travail et de l’appropriation du produit par le capital.
Dans cette activité, qu’il soit seul ou associé à d’autres, il entend, tout naturellement en être le maître, c’est-à-dire en définir le projet, l’organisation, le rythme et l’ensemble des composants qui contribueront à la réalisation de l’œuvre.
Si je rappelle ainsi ce qui me paraît une évidence dans tout régime communiste, c’est pour souligner que de la règle de base du système capitaliste – l’appropriation du produit de l’exploitation de la force de travail – découlent pour les travailleurs de tous ordres les conséquences suivantes (laissant de côté la conséquence économique primordiale de cette appropriation) :
-l’idée chez les travailleurs de contrôler leur propre activité dans leur participation à une réalisation quel conque ne peut venir que de celui ou ceux qui ont œuvré pour cette réalisation dans ce que sous le capital on appelle le secteur
productif, c’est-à-dire que la notion de conseil ouvrier ou d’autogestion n’a vraiment de sens que dans ce secteur d’activité ;
- que si par hasard, cette notion de conseil et/ou d’autogestion peut être évoquée dans un des secteurs improductifs c’est-à-dire gérant la distribution de ces réalisations, leur vente et le retour du produit argent de cette vente, secteurs entièrement dépendants du secteur productif, elle n’a alors qu’un sens très restrictif car le « autonome » ne peut s’appliquer qu’à un accessoire et non à une réalisation quelconque dont de toute façon il dépend entièrement ;
- lors de la disparition sous le capital d’unités d’activité du secteur productif ou improductif pour une raison quelconque (concurrence, obsolescence du produit, mauvaise gestion, concentration, etc.) on trouve souvent exprimée, d’une manière directe ou diffuse, l’idée que le produit et tout le matériel de l’unité de travail ne représente en fait que le produit de leur travail. L’occupation, le « » de marchandises n’est alors qu’une réappropriation qui semble tout à fait normale et dans la ligne logique de l’activité, illustrant alors la rupture – toute temporaire- avec le cadre légal de fonctionnement de l’unité de travail et de l’appropriation du produit par le capital.
Si de telles idées et actions peuvent, en quelque sorte naturellement,
germer et se produire au cours de luttes ou dans des débats autour d’un
futur social, les débats, quand ils parviennent à se concrétiser en
autogestion ou autour du conseil ouvrier, sont souvent faussés par le
fait que - aussi bien critiques que débats – mélangent deux notions
contradictoires.
D’un côté les projets ou concrétisations qui se développent dans le
système capitaliste ne sont rien d’autre qu’un moyen de lutte et pour
ceux qui luttent une tentative de maintenir l’unité de travail et
l’emploi, d’assurer tout simplement sa condition de salarié, rien de
plus. Voir dans ces tentatives l’amorce d’un projet vers une alternative
au capitalisme est une totale illusion. Les problèmes concrets d’une
cellule autogérée dans le système, quelle que soit sa dimension,
montrent, à travers maintes réalisations passées ou récentes, les
limites étroites de ces tentatives interdisant toute extrapolation vers
un système global d’autogestion ou de conseils ouvriers.
Quant à la conception d’un monde communiste basé sur une généralisation
des conseils telle qu’elle a pu être formulée souvent en des termes
concrets d’organisation d’une telle société par le mouvement des
conseils allemands, par des groupes comme Socialisme ou Barbarie ou
l’Internationale Situationniste et par d’autres, ou dans le passé par
les anarcho-syndicalistes prenant pour base le syndicat, ou par les
tenants de l’autogestion prônant une autogestion généralisée, elle ne
peut être vue – et critiquée que de deux manières :
1) Soit en considérant l’ensemble des tentatives qui ont pu se faire
historiquement ou dans le régime capitaliste (en gros la coopérative et
l’autogestion), ou dans celles qui eurent une certaine projection
révolutionnaire
2) Soit en faisant ressortir que dans les projets utopistes trop érigés
en système productif, le problème de la valeur n’est pas évacué et d’une
manière ou d’une autre reproduira le système qu’il prétend remplacer.
Une critique sommaire de l’autogestion soutient que les travailleurs,
dans toute expérience de gestion ouvrière, poursuivraient le même type
de production que dans l’usine non autogérée (comme tu le dis dans ta
lettre). Cette remarque est particulièrement vraie dans la société
actuelle pour une seule unité de production, lorsque l’autogestion, si
elle peut se réaliser n’est qu’un moyen de garantir activité et
salaire, un moyen comme un autre de défense de classe et pas du tout une
construction idéologique considérant cette action comme la première
pierre dans la construction d’une nouvelle société. Par contre si une
telle critique est adressée, comme on c’est le cas fréquemment, à une
nouvelle société basée sur les conseils ouvriers, on ne peut que la
renvoyer à l’idée pas seulement léniniste que les travailleurs sont
incapables de dépasser la conscience trade-unioniste donc d’échapper à
un mode de fonctionnement qui les ramènerait sous une forme ou une autre
de capitalisme, d’où la nécessitésinon du parti , du moins d’une élite
consciente, destiné à guider, donner des solutions, élever la
conscience, etc.
A mon avis, toute projection vers une société communiste ne peut aller
au-delà de l’affirmation élémentaire et simple que ce seront les acteurs
des actions qui décideront alors eux-mêmes et eux seuls de ce qu’ils
feront, comment ils le feront et comment seront organisés les rapports
sociaux. Et cela dans les circonstances, les structures, les
évolutions techniques de ce que sera alors la société capitaliste
contre laquelle ils se dresseront.
Cette constatation me ramène à ce que j’ai développé au début de cet
article pour considérer comment, historiquement les travailleurs ont
réagi devant l’exploitation de leur force de travail et l’appropriation
du produit de leur activité par le capital. Car les tentatives
concrètes et les concepts idéologiques sont nés pourrait-on dire avec le
capital lui-même. Elles ont pris des formes différentes liées aux
techniques et aux structures du capital qui en découlent, mais
schématiquement, on peut classer tentatives et théories en deux
courants pas forcément contradictoires, qui ont pu se chevaucher :
- l’organisation de structures autogérées visant à affranchir les
travailleurs des conséquences les plus dramatiques pour eux de
l’exploitation capitaliste et éventuellement, par leur expansion pouvant
constituer l’ossature d’une autre société. Essentiellement le mouvement
coopératif.
- la formation ex nihilo d’une cellule autonome à l’intérieur de la
société actuelle cherchant à échapper le plus possible aux contraintes
du système et à promouvoir un nouveau type de relations humaines
économiques et sociales.. Essentiellement le mouvement des communautés
de vie.
Je laisserai de côté ce dernier mouvement mais soulignerai seulement
que malgré des échecs historiques retentissants, il continue à
proliférer notamment dans des périodes qui suivent les désillusions
après l’échec de mouvements sociaux ayant pu soulever l’espoir d’un
changement radical de société.
Par contre, le mouvement coopératif s’inscrit dans la droite ligne de
la discussion à propos d’un historique des tentatives ouvrières
d’échapper à la férule du capital et à tracer dans les faits et
théoriquement les contours d’une société communiste, cet historique
incluant dans sa période récente les conseils ouvriers.
Créé par des travailleurs dans la première moitié du XIXème siècle le
mouvement coopératif fut, au départ un moyen d’exprimer la solidarité
ouvrière face à la répression qui au nom de la é du travailsanctionnait
durement toute association ouvrière contestant les conditions
d’exploitation du travail. Cette solidarité tentait de pallier les
conséquences dans la vie quotidienne d’un niveau de vie misérable : les
premières coopératives de consommation (fournir aux travailleurs des
produits de base à moindre prix) s’élargirent à la sphère de la
production. Le mouvement coopératif prit une grande extension dans tous
les domaines/ production industrielle et agricole, distribution,
finance, sous des formes diverses, s’intégrant de plus en plus dans
les circuits capitalistes, bien loin de leurs caractères d’origine même
s’ils gardaient des lambeaux plus ou moins importants de leurs modes
originels d’autogestion.
Non seulement cette intégration n’en faisait plus des organes
d’émancipation ouvrière mais les coopératives furent dépossédées de la
solidarité de lutte qu’elles pouvaient contenir au départ par la
légalisation des syndicats. Ceux-ci, tout au moins à leur début et pour
une fraction des militants, pouvaient contenir cette même tendance à
l’émancipation ouvrière. L’anarcho-syndicalisme exprimait très
concrètement cette possibilité de construire une société communiste
ayant pour base une hiérarchie d’organisations syndicales depuis les
cellules de base d’entreprise jusqu’aux fédérations syndicales.
On pourrait épiloguer sur le fait que cette conception syndicale
correspondait à une structure de petites entreprises, qu’elle n’était
pas adéquate aux grandes concentrations industrielles et que
l’apparition de la forme conseil ouvrier a correspondu au
développement du capitalisme et l’apparition de ces concentrations. Si
l’attitude de base restait l’idée que le producteur devait être le
maître de ce qui concernait le processus productif, ce concept ne
pouvait trouver une application concrète que dans les structures
dominantes du système. L’apparition des conseils ouvriers en 1905, un
concept entièrement mis en pratique avant même que tout théoricien ait
pu le formuler (hormis Rosa Luxembourg dans Grève générale parti et
syndicats) et aucune organisation le promouvoir, correspondait à cette
prééminence des grandes unités de production. C’était dans la ligne de
ce qu’avait pu tisser l’anarcho-syndicalisme mais les conseils
reléguaient dans l’obsolescence les constructions autour du syndicat.
A partir de cette ,un mouvement des conseils devait se développer dans
le XXième siècle, un développement qui peut être divisé en deux
périodes :
une première période qui court sur cinquante années environ (1905- 1956)
qui vit des réalisations concrètes d’établir à un niveau plus ou moins
restreint ou général des conseils ouvriers.
une seconde période aussi de cinquante années (1960 jusqu’à
aujourd’hui) qui vit une expansion des débats théoriques mais bien peu
de réalisations concrètes.
On peut observer que le mouvement, dans la première période, était
qualifié de « communisme de conseils » et dans la seconde de
« conseillisme », ce qui marque le développement d’une idéologie.
Pour la première période, les étapes du développement de ce mouvement
furent marquées par des tentatives et réalisations toutes temporaires
fort diverses. On put ainsi trouver dans ce cours historique de gestion
ouvrière de la production, voire de la société, aussi bien la formation
spontanée de conseils par la base, que la création de conseils par les
militants du parti qui en faisaient des cellules de base d’une
réorganisation sociale hiérarchisée (comme en Hongrie et 1919 ou en
Italie en 1920) ou que la conquête de conseils par un parti (comme ce
fut pour les bolcheviks en Russie en 1917 ou les sociaux-démocrates en
Allemagne dans les années 19 20). Néanmoins d’une manière ou d’une
autre, ces conseils ouvriers existèrent d’abord en Russie (1905 et
1917)sous le nom de soviets, en Grande-Bretagne pendant la première
guerre mondiale (sous la forme du mouvement shop stewards), en Allemagne
(1917-1920), en Hongrie (1917-1919), en Italie (1919 -1920), dans
l’Espagne républicaine (1936-1939), en Hongrie et dans différents pays
du glacis soviétique (1953-1956), en Iran (1979) selon certains.
Par contre, si l’on met à part les productions théoriques du mouvement
communiste de conseil allemand via le mouvement germano- hollandais
notamment autour de la seconde guerre mondiale qui s’appuient sur le
mouvement réel des années 1917 -1920 , toute la production des cinquante
dernières années est plus théorique ( la très brève existence des
conseils hongrois de 1956 n’impliquait aucune gestion quelconque de
l’appareil productif) , et idéologique d’où l’apparition du terme « »
jamais utilisé auparavant.
Pour revenir aux prémices de cet article et aux différentes expressions
historiques concrètes de la réappropriation par les acteurs de la
totalité de leur pouvoir créateur, on doit considérer non seulement les
structures de la production capitaliste mais, à l’intérieur de ces
structures, l’organisation de l’activité de chaque travailleur. A
l’époque de la naissance des coopératives, non seulement la plupart des
entreprises étaient de petite taille mais il y avait une juxtaposition
de tâches identiques impliquant souvent un procès complet de
fabrication : il était parfaitement concevable pour les travailleur de
mettre en commun des activités identiques qui impliquaient une parfaite
égalité dans le processus de production. De plus localisation et
simplicité des circuits de distribution conduisaient naturellement à
faire passer les coopératives de consommation aux coopératives de
production et à la finance : on trouvait alors, quasi naturellement, un
concept de gestion globale aux systèmes de production. Cela pouvait
s’appliquer, en raison de la structure interne de la production aussi
bien à de petites unités qu’à des grandes.
Le développement de la grande industrie, dont l’apothéose fut le
taylorisme et le fordisme autour et après la première guerre mondiale,
eut de multiples effets eu égard à cette aspiration d’être gestionnaire
de son activité de producteur. D’un côté, la production capitaliste
était en général organisée dans de grandes unités où s’accomplissait
l’ensemble des opérations conduisant au produit final. Cette intégration
verticale s’accompagnait d’une division importante du travail de sorte
que le travailleur n’avait plus la maîtrise d’une opération mais était
soumis à la discipline d’un geste limité et répétitif sur lequel il
n’avait d’autre pouvoir qu’en limiter éventuellement le seul rythme. Le
concept du conseil ouvrier gérant cette unité de production – avec
une modification éventuelle d’une autre forme d‘organisation du travail,
mais pas de retour à l’ouvrier professionnel maître de l’opération
globale de fabrication d’un produit, était possible ; cependant, rien
n’était changé fondamentalement dans l’organisation du processus
productif et l’incluait dans une hiérarchie des tâches non seulement
dans l’unité de production mais aussi à l’échelle de la société toute
entière. Cela rejoignait en partie ce que l’anarcho-syndicalisme avait
pu prévoir autour de 1914 du rôle du syndicat dans une société
nouvelle, qu’il allait tenter de construire en partie en Espagne. Dans
cette optique, la pyramide verticale des conseils exprimée par
différents courants autour de Mai 68, correspondait à la vision du
système soviétique où les conseils étaient dominés par le parti.
La question non négligeable que l’on peut se poser aujourd’hui est de
tenter d’expliquer pourquoi ce développement idéologique ne correspond
nullement à la réalité des luttes importantes qui se sont déroulées au
cours des cinquante dernières années (sauf cet intermède spécifique
iranien). En particulier, en 1968 et 1969, en France ou en Italie, on
n’a vu presque aucune tentative de créer des conseils ouvriers. Il en
est de même dans tous les mouvements ouvriers qui se sont trouvés des
éléments moteurs dans les événements étiquetés sous le titre de
« arabes ». Si l’on trouve ici ou là des propositions ou réalisations
d’autogestion, de communautés ou de coopératives avec toutes les
explications et problèmes que nous avons évoqués, celles-ci restent trop
peu nombreuses et trop mineures pour permettre de conclure à une
résurgence de quelque intérêt. Les frontières entre les époques
historiques ne sont jamais franchement tranchées et chaque période peut
voir alors que la société se transforme en laissant subsister des
formes antérieures historiquement dépassées.
Une réponse peut être tentée à la lumière de ce que nous avons constaté
dans l’évolution des formes d’organisation tendant à exprimer la
résistance des travailleurs à leur exploitation et à exercer une
maîtrise plus ou moins totale sur leur activité créatrice. En cinquante
années, les structures du capital ont considérablement changé. D’une
part, non seulement une bonne partie des entreprises ont vu leur
activité s’internationaliser, avec une multiplicité d’établissements
répartis dans le monde entier mais il n’existe pratiquement plus d’usine
intégrée verticalement seulement une multitude d’établissements
spécialisés répartis internationalement produisant une faible part d’un
produit final, ayant souvent des statuts juridiques différents de
l’entreprise mère, laquelle se réduit souvent à une chaîne de montage ou
même à de simples bureaux.
D’autre part, l’automatisation a modifié les conditions de travail de
l’usine fordiste alors même que cette organisation fordiste se
développait à une échelle mondiale et dans des activités où elle était
ignorée (par exemple, les industries alimentaires). La situation qui
pouvait conduire le travailleur à envisager la gestion d’une unité de
production à travers une mise en autogestion ou un conseil ouvrier – ce
qui pourrait être l’amorce d’une transformation sociale- n’existe plus
aujourd’hui et c’est, pensons noud, la raison pour laquelle cette
notion ne s’impose nullement dans les luttes. Il est intéressant de
noter que ces luttes, lors de situations qui pourraient être le point
de départ de cette idée de gestion, n’ont le plus souvent pour but que
d’obtenir des indemnisations plus fortes. S’il apparaît parfois des
occupations, des actions violentes sur la propriété ou la personne des
dirigeants ou des propositions d’autogestion, ces actions ne sont plus
que des moyens de lutte pour obtenir cette indemnisation. Cela marque
une régression car il s’agit d’une discussion sur le prix de la force
de travail, sur les conditions d’exploitation entérinées du même coup
et nullement une sortie, même timide de cette exploitation.
Reste la question centrale qui ne peut s’exprimer dans des luttes,
qu’elles soient ou généralisées, car les travailleurs – et aucun
stratège syndical ou politique- ne peuvent envisager de prendre la voie
de l’autogestion ou des conseils pour être les maîtres de leur propre
activité voire d’une société où ils s’émanciperaient totalement. La
perception d’une part d’une marche inexorable d’un système capitaliste
en crise, d’autre part d’une internationalisation (ou mondialisation),
rendant vaine toute solution particulière dans une unité de travail,
dans un trust ou dans une branche d’industrie ou à une échelle nationale
et finalement l’individualisation d’une partie des postes de travail,
font que les tentatives antérieures paraissent ou obsolètes ou
intégrées dans le système et que rien ne paraît pouvoir prendre le
relais de ce qui appartient au passé.
Dans les années récentes, on a vu apparaître à une échelle sans
précédent, dans différents pays, industrialisés ou en voie de
développement des formes nouvelles de protestation. Si ces
protestations étaient globales (en ce qu’elles ne prétendaient pas
représenter des intérêts spécifiques), si, sans se rejoindre, elles
exprimaient néanmoins une certaine forme d’internationalisation, elles
n’ont pas associé, sauf comme force d’appoint, les travailleurs de tous
les secteurs économiques. Si elles exprimaient une sorte de ras-le-bol
des conséquences matérielles du système, elles ne mettaient pas du tout
en cause ses fondements et restaient particulièrement vagues quant à
leurs objectifs. Tous ces caractères ambigus ont fait qu’elles ont été
réprimées et ont perdu, pour le moment, tout dynamisme. Il est difficile
de dire si, de par leurs caractères, elles contenaient le germe de
nouvelles formes d’un assaut contre le système, palliant notamment pour
l’ensemble des travailleurs l’impossibilité d’utiliser les formes
devenues obsolètes tout en permettant finalement à chacun de contrôler
totalement sa propre activité créatrice.Témoignage et réflexions à
l’occasion des Journées de réflexion critique sur la transformation des
métiers et des modes de vie par l’informatique et les méthodes de
gestion tenues à Lyon le 31 janvier, 1er et 2 février 2014.
Le texte qui précède est la réponse au texte du camarade L.K. paru dans Echanges n° 145 p. 40