Au coeur de la capitale quelques 500 employés de l'hôtel de luxe Lutetia refusent de faire les frais d'une fermeture pour travaux décidée par le patronat. Mais les intérêts des travailleurs et des capitalistes étant radicalement opposés un mouvement de grève s'est mis en place afin de faire plier le patronat du luxe.
Les employés du Lutetia repartent en grève contre le plan social
Les employés du Lutetia pensaient avoir obtenu gain de cause quand la direction leur a promis un maintien des salaires à 100 % au mois d'octobre pendant les trois ans que doivent durer les travaux du prestigieux établissement de la rive gauche.
La direction de l'hôtel a annoncé en septembre une fermeture à partir d'avril 2014 et présenté un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) concernant 211 salariés sur 220.
En fait, la disposition ne concernait que les collaborateurs « les plus fragiles », selon la direction. « Il y a peut-être eu un malentendu, et ce n'était de toutes façons qu'un engagement oral : au moment de l'écrire noir sur blanc, ils ont reculé », explique Claude Lévy, de la CGT.
LES PRÉCÉDENTS DU RITZ ET DU CRILLON
L'hôtel, l'un des rares établissements de luxe de la capitale à ne pas avoir encore fait de grands travaux de rénovation, a été racheté en 2010 par le groupe israélien Alrov.
La grève, entamée mardi 26 novembre, devrait durer
jusque vendredi, date de la nouvelle rencontre avec la direction et les
propriétaires. Les précédents dans le secteur ont été très favorables
aux employés, comme au Ritz, où les salariés ont obtenu six mois de salaire par année d'ancienneté s'ils choisissaient de partir, et au Crillon, où les salariés ont vu la quasi-totalité de leur rémunération maintenue.
En attendant, les conditions proposées par la direction du Lutetia se
seraient améliorées : même si le salaire n'est pas assuré à 100 %
pendant les travaux, il le serait à 55 % pour la majorité des salariés
et à 65 % pour les salariés sensibles (les plus de 55 ans, ceux dont un
handicap a été reconnu...). C'est donc une avancée par rapport aux
conditions initiales (entre 6 et 12 % maximum).
RECOURS CONTRE LE PLAN SOCIAL
Parallèlement, le comité d'entreprise (CE) de l'hôtel et le syndicat
CGT des hôtels de prestige ont déposé vendredi dernier un recours contre
le plan social. Ils assignent l'hôtel pour « fraude aux licenciements économiques », au motif que l'entreprise s'est engagée à ne pas supprimer de postes à l'issue des travaux, précise un communiqué commun CGT-CFDT.
Elle avait en effet promis de conserver 100 % des postes et prévu 45 % d'emplois supplémentaires après la rénovation du grand hôtel. Or,
pendant les travaux, il est proposé aux salariés outre la suspension de
leur contrat (avec le maintien de tout ou partie du salaire), un
reclassement dans le groupe, des mesures de départs volontaires, ou
encore une mise à disposition permettant le recours au dispositif de
chômage partiel. Les salariés qui refuseraient seraient licenciés pour
motif économique.
« Un licenciement économique implique par définition une
suppression d'emploi. Or dans notre cas de figure peu commun, notre
avocat fait valoir que ce n'est pas réellement le cas », explique Claude Lévy. Dans sa requête pour tenter de faire stopper le PSE, l'avocat écrit que l'hôtel « se prévaut faussement d'un motif économique pour mettre en place un processus de rupture des contrats de travail » et « faire peser sur le système d'assurance-chômage leur indemnisation pendant toute la durée des travaux ».
Une telle démarche a été menée l'an dernier au Ritz, où quelque 500
salariés étaient menacés. Elle n'a pour l'instant pas abouti, explique
le syndicaliste. La requête du Lutetia sera examinée le 14 janvier
devant le tribunal de grande instance de Paris. Mais ses chances d'aboutir
sont très réduites car la récente réforme des licenciements collectifs
supprime la saisine du juge judiciaire au cours de la procédure
d'élaboration des PSE.