Vendre son travail et son temps ou dépasser le capitalisme ? |
[Pensée Radicale] - Bernard
Friot semble être devenue une icône révolutionnaire chez une partie des
jeunes révoltés d’aujourd’hui, avec des idées soi-disant « neuves », «
révolutionnaires » et « vraies ». Or, Bernard Friot n’est pas un révolutionnaire, mais a été depuis Mai 1968 (il est membre de l’Union des Etudiants du Capitalisme étatico-stalinien – UEC – de Nancy dès cette époque, avant de diriger celui-ci après 1969) un contre-révolutionnaire actif au sein du Parti du Capitalisme étatico-stalinien Français (PCF), avec de vieilles idées contre-révolutionnaires et complètement fausses
(du genre qu'un retraité crée de la valeur économique dès lors qu'on
lui reconnaîtrait une telle capacité, alors même qu'il ne vend pas de
marchandise et que donc son activité n'a pas de valeur d'échange - puisqu'il n'effectue pas d'échange marchand - et donc pas de valeur économique) tirées de sa thèse d’économie autour de la Sécurité sociale. Bernard Friot avec son organisation a directement participé au sabotage de Mai 68 : sabotage du mouvement de grève générale
(PCF s’empresse de négocier avec Pompidou des Accords de Grenelle
qu’ils accepteront dans l’optique de mettre fin au mouvement) et du mouvement de révolte étudiant, insulte du mouvement étudiant
(Pierre Juquin du PCF parle en Avril 68 d’ « agitateurs – fils à papa »
au sujet des étudiants insurgés de Nanterre) – et on voudrait en faire
un ami de l'émancipation ? L’UEC, organisation de Bernard Friot,
scande au cours du 1er Mai 1968 « Au boulot les fils à papa »,
arrachent et déchirent des drapeaux noirs, et s’en prennent aux
étudiants révoltés, et on voudrait qu’il soit une icône révolutionnaire ? L’UEC
de Bernard Friot s’est alignée sur l’ensemble des positions
contre-révolutionnaires du PCF visant à un arrêt complet du mouvement
(réussi, malheureusement) après avoir soutenu quelques mois plus tôt
l’intervention des chars soviétiques en Tchécoslovaquie pour mettre
violemment fin au vent de révolte et de liberté du Printemps de Prague
(sans parler de son passé historique de zélateur stalinien, de son
négationnisme des crimes de Staline, de son soutien au brutal écrasement
de Budapest insurgée en 1956), et on voudrait qu’il soit notre guide intellectuel pour un mouvement émancipateur ?
Bernard Friot, comme l’ensemble
des marxistes-léninistes, et particulièrement de l’espèce du PCF, se
fait passer pour ce qu’il n’est pas, un révolutionnaire visant à une
émancipation du capitalisme, et réussi à faire oublier ce qu’il est,
c’est-à-dire un contre-révolutionnaire visant à museler toute volonté
d’auto-organisation n’étant pas destinée à une récupération partisane
(il est au Front de Gauche, n’oublions pas !) et à interdire toute
perspective d’émancipation réelle du capitalisme (n’oublions
pas qu’il est du Parti du Capitalisme étatico-stalinien Français, et
c’est d’ailleurs ce qu’il propose dans ses ouvrages, un capitalisme
d’Etat avec une « sécurité sociale » universelle et un salarial
universel, comme en URSS).
Bref, Bernard Friot est un
marxisme-léniniste contre-révolutionnaire depuis Mai 68, visant à une
récupération partisane des mouvements d’auto-organisation comme Nuit
Debout au profit d’un capitalisme d’Etat semblable au modèle soviétique
(n’oublions pas, encore une fois, qu’il est au PCF, qui n’a toujours pas
admis que l’URSS était un capitalisme d’Etat criminel). Ce qu’il
propose n’est rien d’autre qu’un capitalisme d’Etat comme l’URSS avec «
sécurité sociale » universelle et un salariat universel, comme il y en
avait une en URSS.
BERNARD FRIOT, UNE ESCROQUERIE – UNE CRITIQUE DES PROPOSITIONS DE BERNARD FRIOT DANS APRÈS L’ÉCONOMIE DE MARCHÉ
Bernard Friot et son « Réseau salariat »
nous assène comme s’il s’agissait d’évidences masquées un certain
nombre de contre-vérités :
- Le PIB serait une « mesure en argent de la valeur économique » (alors même que Marx explique que cette dernière n’est pas mesurable concrètement,
et sachant que l’argent est en grande partie une anticipation de
survaleur future, aujourd’hui, puisque l’émission de monnaie se fait
sous forme de crédit)[1] ;
- 35 % du PIB, donc de la valeur, serait créée par l’ensemble des fonctionnaires et des bénéficiaires de la Sécurité sociale (alors que ceux-ci ne font que consommer de la survaleur produite ailleurs
– tout en assurant effectivement une production de services nécessaires
au procès global de reproduction du capitalisme national, en formant
des futurs travailleurs, en assurant une défense militaire du
capitalisme national, etc. –, et cela même s’ils ont créé de la
survaleur antérieurement – retraités, en-dehors des fonctionnaires et
des travailleurs de la Sécurité sociale –, puisqu’ils ne produisent pas
de marchandises qu’ils vendent contre davantage d’argent qu’ils avait
investis au départ – ils ne peuvent donc pas réaliser de survaleur, puisqu’ils ne font pas de plus-value, de profit)[2] ;
- Le fait qu’on dénie aux fonctionnaires
et aux bénéficiaires de la Sécurité sociale serait une mystification
idéologique (alors qu’il s’agit d’une réalité : un retraité ne produit
pas de valeur puisqu’il ne produit-vend pas de marchandises, même s’il rend effectivement des services à ses proches – Bernard Friot veut absolument que la valeur
soit partout, y compris des relations non-marchandes qui soi-disent en
créeraient, pour qu’on reste enfermé au sein de l’idéologie capitaliste)[3] ;
- Le retraité serait « au travail » et « payé pour soi
», à vie, producteur de valeur, sans employeur, sans recherche
d’emploi, sans produire de marchandises (alors qu’il n’est pas au
travail puisqu’il n’a pas vendu son activité sous forme de
marchandise-travail – y compris comme fonctionnaire d’Etat –, qu’il ne
produit pas de valeur puisqu’il ne produit pas de marchandises vendues,
qu’il n’est pas payé mais simplement rétribué en raison de ses
cotisations passées par une caisse qui, si elle n’est pas financée par
de la survaleur créée donc possiblement cotisée, fait faillite –
c’est-à-dire qu’il n’y a pas de Sécurité sociale sans valorisation
effective, sans survaleur réellement créée)[4] ;
- Les fonctionnaires ne connaîtraient
pas « le marché du travail, ils ne vendent jamais leur force de travail,
ne sont jamais demandeurs d’emploi. Ils sont reconnus comme porteurs de
la capacité à produire de la valeur économique » (alors qu’ils sont
devenus fonctionnaires précisément après avoir été demandeurs d’emploi
sur le marché du travail, ils vendent simplement leur force de travail à l’État
plutôt qu’à des entreprises privées. Ils ne sont pas reconnus comme
porteurs d’une capacité productrice de valeur économique, mais
simplement rétribués pour leurs services permettant une reproduction
globale du capitalisme national – un enseignant étant rétribué pour
former des futurs travailleurs, un policier pour assurer l’ordre
capitaliste, etc.)[5] ;
- Les fonctionnaires et retraités
produirait 35 % du PIB en produisant des « non-marchandises » et sans
vente de leur force de travail (encore une fois, ils ne produisent pas
de marchandises, donc ils ne produisent pas de valeur, et ils vendent ou
ont vendu leur force de travail)[6] ;
- Il y aurait deux conventions, une «
capitaliste de travail », une « salariale de travail », alors qu’il
s’agit d’une seule et même réalité, le contrat de travail ;
- Qu’avec une généralisation du
fonctionnariat, de la cotisation et de la qualification, il n’y aurait
plus de marché du travail, et que chacun serait payé sous forme de
cotisations de minimum 1500 euros (alors même qu’être fonctionnaire
c’est avoir simplement vendu sa force de travail à l’État, son
employeur « durable », et que d’autre part on se demande comment est-ce
que ces cotisations universelles – même versées aux non-travailleurs –
seront financées dans une situation de crise structurelle du capitalisme
français et du capitalisme mondial, alors qu’un nombre croissant de
travailleurs ne sont plus rentables économiquement et que ce n’est qu’au
prix d’un niveau de productivité du travail énorme que nous parvenons
encore à vendre de manière rentable des marchandises mondialement ?)[7] ;
- La propriété lucrative serait
supprimée – et remplacée par des caisses d’investissements –,
puisqu’elle est nuisible aux investissements utiles, qu’elle s’approprie
une partie de la survaleur sans réinvestir celle-ci ; et
d’ailleurs, la Sécurité sociale montre que cela marche, puisque nos
hôpitaux sont extrêmement performants simplement grâce à une
augmentation du taux de cotisation (cela signifie, en réalité, qu’il n’y
a pas de suppression de la propriété privée ; mais surtout, d’autre
part, il est complètement faux que la Sécurité sociale « marche » comme
ça, toute seule, puisque l’augmentation du taux de cotisation dépend de la survaleur créée : en cas de crise structurelle, comme depuis 40 ans, ce taux de cotisation ne peut augmenter qu’au détriment de la survaleur, puisqu’il augmente relativement le salaire – qui est relativement baissé par d’autres moyens, d’ailleurs – et donc baisse la survaleur,
nécessaire aux investissements pour rester compétitifs et aux
dividendes pour assurer un approvisionnement régulier en capital
financier nécessaire aux investissements et aux frais courants – la
Sécurité sociale ne « marche » donc qu’en raison d’une survaleur
continuée, et au sein d’un « capitalisme friotien », cela n’a aucune
chance d’arriver puisque son modèle implique une hausse des salaires et
une baisse de productivité-compétitivité, donc une chute brutale des
exportations, un renchérissement des importations, une survaleur
extrêmement faible voire inexistante – puisque comment vendre des
marchandises non-rentables ? –, etc.)[8].
La raison du succès de Bernard Friot est évidente : c’est un besoin de croire
en un certain nombre de mensonges rassurants, celui du
fonctionnaire-et-du-retraité-producteurs-de-valeur (en s’appuyant sur un
indicateur extrêmement problématique, celui du PIB) ; celui d’une
Sécurité sociale comme institution extra-capitaliste, sans problèmes de
financement, non-liée aux performances du capitalisme national ; et
celui d’un « bon salariat » et du « bon travail producteur de valeur »
débarrassé des « parasites » (vœu également d’Alain Soral), et donc d’un
possible « capitalisme social ». Le projet de Bernard Friot est
pourtant non seulement non-émancipateur puisqu’il maintient l’ensemble
des structures capitalistes (travail, marchandise, valeur, argent,
capital), mais de surcroît fondé sur des contre-vérités, irréaliste, et
même assez dangereux en termes de blocage d’une émancipation réelle du
capitalisme.
[1] Après l’économie de marché, p. 9.
[2] Après l’économie de marché, p. 9.
[3] Après l’économie de marché, pp. 9, 13.
[4] Après l’économie de marché, pp. 10-11.
[5] Après l’économie de marché, p. 11.
[6] Après l’économie de marché, p. 12.
[7] Après l’économie de marché, p. 9.
[8] Après l’économie de marché, p. 15.
Bernard
Friot propose un capitalisme de "sécurité sociale", où nous
continuerions de vendre notre activité et notre temps d'existence sous
forme de travail pour produire des marchandises et de la survaleur (du
profit, du capital), en continuant de dépendre du Marché et de sa
dynamique aveugle, où nous continuerions d'être dépossédés de moyens
d'existence autonomisants au profit des entreprises et autres
"propriétés privées", où nous continuerions de produire ce qu'on nous
demande de produire dans des entreprises et en fonction du Marché, où
nous continuerions de gagner en majorité 1500 euros pour une vie
d'aliénation, d'exploitation et de destruction, où nous continuerions
d'être dominés étatiquement, sans compter que son scénario est
complètement irréaliste puisqu'il ne tient compte ni de l'actuelle crise
du capitalisme (qui réduit toute marge de manoeuvre pour un système
capitaliste de "sécurité sociale" universalisé), ni du rapport de force
capitaliste actuel (qui rend ce scénario complètement impossible, sauf
révolution, et dans ce cas pourquoi maintenir des entreprises, l'Etat,
des rapports capitalistes, etc. ?), ni du caractère mondialisé du
capitalisme (laquelle rendrait un système capitaliste de "sécurité
sociale" non-compétitif mondialement, donc voué à une faillite).
Simplement, nous aurions 1500 euros "à vie" grâce à des caisses de
cotisation dont on se demande comment elles seront financées en phase de
crise structurelle du capitalisme (parce que, pour avoir de l'argent,
il faut en produire, forcément), en travaillant pour nos mêmes
entreprises de merde, pour produire des mêmes marchandises de merde,
pour une même vie de merde, des mêmes rapports sociaux de merde, avec un
même Etat de merde et soumis à un même Marché de merde ! Un capitalisme
de "sécurité sociale" laissant intact une même dépossession,
aliénation, exploitation, avec des rapports marchands et de domination
étatique, en plus complètement irréaliste sauf révolution - et, dans ce
cas, faire une révolution pour une sous-réforme du capitalisme, c'est
vraiment idiot. Abolition du salariat, du travail, du capitalisme !