dimanche 1 novembre 2015

Prostitution: une guerre contre les femmes

Proposition de loi au Parlement visant à décriminaliser les personnes prostituées  et à pénaliser les clients, rétablissement par le Sénat du délit de racolage, affaire du  Carlton, proxénétisme... Quelles sont les réalités sociales derrière les images chocs et les  présentations glamour ? Qu’en est-il du détournement du slogan féministe « Notre corps  nous appartient » dans l’oubli de « Notre corps n’est pas une marchandise » ? Sur la base de témoignages des personnes  prostituées – celles que l’on n’entend  jamais car elles n’osent pas témoigner  publiquement –, Claudine Legardinier  aborde, sans concession ni misérabilisme,  les multiples facettes du système  prostitutionnel, les réalités des vies des  personnes prises au piège de la prostitution. L’auteure souligne les discours à  double face, la tolérance revendiquée et  la condamnation réelle des personnes  prostituées, les discours sur la liberté pour  le seul bénéfice des clients, les violences  déqualifiées en actes consentis. Le monde prostitutionnel est d’abord  un monde de violences, violence d’une  situation sociale, violences des clients, des  proxénètes et des tenanciers, violences  entraînant « une destruction incolore et  inodore » des personnes prostituées. Dans un contexte de crises, de conflits, de  guerres propre à fabriquer des accidentées  de la vie, les femmes représentent un vivier  toujours renouvelé pour l’industrie du sexe,  l’industrie du crime. Et, derrière les nouvelles formes du  libéralisme, la prostitution reste l’emblème  de l’ordre ancien, de la politique de libre  appropriation du corps des femmes par  les hommes, politique favorisée par les  institutions. 

Le livre pose la question des bénéficiaires  de cet ordre construit contre les femmes ;  des arrangements pour militaires, sportifs et  hommes d’affaires ; de l’histoire des bordels  dans les colonies, les régimes totalitaires et  l’Europe d’aujourd’hui ; du silence ou du  déni toujours renouvelé sur les réalités de  violences, de souffrances. Car, il faut garder en tête que la  prostitution est un secteur économique  en pleine expansion, un moteur pour la  machine capitaliste, à la fois rente pour les  proxénètes et ressource taxée pour les États. Migrations et endettement pour les unes,  machine à fric pour les autres, sans oublier  le lobbying et la corruption pour favoriser  les réglementations, les autorisations de  bordels... Un secteur économique travesti en  activité épanouissante, valorisé par des  personnalités intellectuelles et artistiques,  avec le concours zélé de médias toujours  pressés de renvoyer les femmes au statut  éternel de prostituées : un archaïsme remis  au goût du jour pour le plus grand profit de  la société marchande. Les politiques réglementaires en Europe  sont un échec, tant pour la sécurité que pour  la santé des personnes prostituées. Elles ont  contribué à accroître la demande, à banaliser  l’achat d’êtres humains, à renforcer le  proxénétisme et l’industrie criminelle. Loin des facilités, des raccourcis, des  stéréotypes, Claudine Legardinier invite  à une réflexion renouvelée ouvrant sur un  autre horizon, sur un programme d’avenir,  un nécessaire tournant de civilisation :  l’abolition.