mardi 18 août 2015

Contre leur "Grand Paris", on fait quoi ?


[GARAP] - La ville est devenue un immense chantier pour nous qui habitons les derniers quartiers populaires de la région parisienne. Les nuisances que ce chantier engendre (sonores, embouteillages, pollutions, etc.) c’est nous qui les subissons, pas ceux à qui elles profitent. Ce n’est que le début d’une offensive planifiée par la bourgeoisie, et la cible c’est nous, le prolétariat.
Les prochaines étapes de leur plan d’attaque se font déjà sentir : les loyers augmentent, ils augmenteront encore. Les charges locatives augmentent, elles augmenteront encore. Ton proprio connaît très bien la valeur de ses biens, et ne va pas renoncer à sa part du gâteau. Les prix dans les magasins augmentent aussi, et ceux qui pratiquaient les prix les plus bas revendent leurs locaux et cèdent la place aux enseignes qui visent une clientèle « plus aisée ». Finalement la seule chose qui n’augmente pas, ce sont nos salaires. Nous n’aurons bientôt plus les moyens d’habiter ici, il faudra déménager plus loin, où les loyers et les prix sont moins chers. Nous serons obligés de faire plus de deux heures de trajet pour aller bosser là où nous habitions avant, là où des bourgeois auront pris notre place. Mais ce que ces derniers vont récupérer, ce ne sont pas nos appartements miteux et nos quartiers délabrés. Ce qui les attend, c’est l’un des plus beaux cadeaux que l’État prépare pour le patronat : le Grand Paris.

Les bâtiments qui sont restés à l’abandon par les spéculateurs immobiliers (alors que des gens dorment dehors) sont vendus à prix d’or et démolis. Ce qu’ils construisent à la place n’annonce rien de bon pour nous. Les entreprises locales ne peuvent plus résister aux offres des promoteurs et revendent leurs locaux, laissant leurs salariés sur le carreau. Les services publics sont désorganisés, le nombre de leurs employés continuera à se réduire comme peau de chagrin, pour diminuer toujours plus les coûts de fonctionnement de cette nouvelle organisation. Ceux qui resteront en place subiront une surcharge de travail, celui de leurs collègues non remplacés, et pour le même salaire bien sûr. Et ce sont eux qui seront désignés coupables lorsque les dysfonctionnements de ces services provoqueront la grogne des usagers. L’économie capitaliste repose sur l’exploitation du salarié par le patron. Donc lorsque l’on veut séduire le patron pour l’inciter à venir s’installer ici, il n’y a qu’une chose à faire : favoriser l’exploitation. 

À quoi ressemble la ville idéale pour un exploiteur ?

Voici un petit aperçu du meilleur des mondes que nous prépare le moins pire des systèmes :
  • Un réaménagement urbain qui permettra un matraquage permanent entre les caméras et les panneaux publicitaires. Une surveillance permanente associée à un appel à la consommation.

  • Le déploiement d’un dispositif sécuritaire toujours plus important, plus de flics à qui de nouveaux chefs lâcheront la bride, pour augmenter la pression sur ce qu’il restera du prolétariat, appuyés par un nombre accrus de collabos professionnels (milices privées, médiateurs de nuit, GPIS, etc.). Nos gamins seront encore plus menacés par ces brutes qui, souvent pour de pauvres histoires, n’hésitent pas à enfermer, blesser, mutiler et tuer.

  • La densification du réseau de transports pour fluidifier l’exploitation en rendant le prolétariat plus mobile et flexible.

  • Des prolétaires atomisés, individualisés, incapables de mettre en action leur meilleure arme : la solidarité de classe. 

 

Quelles résistances se mettent en place aujourd’hui ?

Pour l’instant, quasiment aucune, à part de vagues inquiétudes exprimées par quelques associations, et des initiatives de collectifs militants qui restent impuissants tant que la population ne s’empare pas de cette lutte.
Les partis politiques sont gérés par des politiciens professionnels qui se concentrent sur la règle n°1 de tous les métiers : garder son job. Ils n’osent plus faire un pas de travers qui risquerait de contrarier la bourgeoisie depuis bien longtemps. Si l’un de ces partis arrive encore à s’attirer tes faveurs, alors renseignes-toi sur les démarches qu’il a entrepris pour défendre les prolétaires des appétits capitalistes de ce projet. À Aubervilliers par exemple, le maire qui se prétend de gauche s’est insurgé que les travaux... n’allaient pas assez vite ! Et il a invité les habitants à se joindre à sa petite crise de colère, comme des moutons qui seraient pressés que la construction de l’abattoir soit finie. Ces gens-là n’ont pas les mêmes problèmes que nous, il n’y a rien à attendre d’eux.
Les syndicats sont largement noyautés, quoiqu’ils en disent, par ces organisations politiques. La consigne est de ne pas faire de l’ombre aux copains qui ont été élus ou mis en place à des postes haut placés, et dont la fonction est d’assurer le bon déroulement de ce projet. Les syndicats jouent leur rôle de partenaires (sociaux) du patronat et la plupart des magouilles décidées dans le cadre de ce projet l’ont été avec leur accord, sur notre dos. Là encore, si tu es syndiqué, renseignes-toi sur ce que ton syndicat a engagé comme mobilisation contre le Grand Paris.
Une fois que tu auras vérifié tout cela par toi-même, tu arriveras peut-être à la même conclusion que nous : les organisations politiques et syndicales sont des institutions bourgeoises qui font partie du problème, pas de la solution. Dans ce cas tu devras comme nous réfléchir aux formes que doit prendre cette lutte pour se débarrasser de ces muselières imposées par nos maîtres et leurs opposer enfin un rapport de force qui soit en notre faveur. Tu l’as deviné, nous avons commencé cette réflexion, comme bien d’autres avant nous, et te proposons ici quelques pistes dont tu feras ce que tu voudras :
  • Dans les entreprises qui sont impactées par le Grand Paris, s’organiser avec les collègues pour créer des comités de lutte, dont la première des tâches sera d’encourager la création d’autres comités de lutte dans les autres secteurs ou services de l’entreprise et dans les autres entreprises de la même branche. Lorsque ces comités existent, se mettre en relation avec eux pour élaborer des plateformes de revendications communes et coordonner les actions. Organiser des assemblées générales pour prendre toutes les décisions, et dont seront exclues toutes les organisations politiques ou syndicales. S’opposer systématiquement à toute « prise de pouvoir » pouvant émerger au sein des comités. Se mettre en liaison avec les assemblées de quartier.

  • Dans les quartiers qui sont impactés par le Grand Paris, même stratégie : s’organiser avec le voisinage pour créer des assemblées de quartier, qui devront aider à la création d’assemblées dans les quartiers avoisinants, et garder un contact permanent pour organiser la lutte. Se mettre en liaison avec les comités de lutte dans les entreprises. Ici encore, il faudra se méfier des faux amis.
L’histoire du mouvement ouvrier international nous a légué beaucoup de pratiques qui ont fait leurs preuves dans la lutte entre les classes sociales. Nous pouvons nous en inspirer comme en inventer de nouvelles, mais il y a une chose à en retenir : le prolétariat n’est réellement combatif que lorsqu’il s’organise en tant que classe sociale, contre la classe ennemie qui est déjà organisée contre lui. Nous devrons apprendre à identifier et à contrer les stratégies de la bourgeoisie qui visent à nous diviser pour mieux régner. Il nous faudra combattre tout ce qui favorise les replis communautaristes engendrés par les religions, les racismes, les identitarismes nationaux ou ethniques, qui nous empêchent de nous unir pour défendre collectivement nos intérêts. De même, la fascination pour la marchandise et l’argent, qui ne profite qu’aux riches, ne doit plus nous enfermer dans l’égoïsme et par conséquent la défaite. Apprenons à nous reconnaître comme frères et soeurs de classe et nous vaincrons, car nous n’avons d’autre choix que de gagner cette bataille, l’enjeu est trop Grand.