mardi 28 avril 2015

Guerre de Classe, Guerre de Mémoire ! - Guayaquil (Équateur)


Nous publions ci-dessous le texte du groupe militant équatorien Proletarios Revolutionarios (traduit en français par Tridni Valka) qui dresse le bilan critique des illusions de la fausse conscience. Un hommage à l'insurrection ouvrière de Guayaquil. - Contre capital.

HIER, AUJOURD’HUI, TOUJOURS : LUTTE PROLÉTARIENNE AUTONOME ET RÉVOLUTIONNAIRE, NI CITOYENNE NI SYNDICALE !

Après des années de lutte, d’organisation, de propagande et d’agitation, le 15 Novembre 1922 à Guayaquil, en Équateur, le prolétariat de l’époque (les cheminots, les ouvriers du cacao, les boulangers, les ouvriers des chantiers navals, les typographes, les maçons, les cuisinières, les blanchisseuses, etc.) impose la grève générale et prend le contrôle de la ville (on parlait même du « Soviet ou Conseil Ouvrier de Guayaquil »). Mais la bourgeoisie (exportateurs agricoles, banquiers, industriels) est effrayée que toute cette « racaille » ne se révolte davantage et le même jour elle ordonne à sa meute policière et militaire de la réprimer brutalement. La journée de lutte se transforme en boucherie (plus de 1.000 morts), la terreur de l’État bourgeoise teint de sang prolétarien les rues et les eaux du port principal, tandis que « les mains blanches et délicates applaudissent depuis les balcons » le retour au « calme » bourgeois. Tel fut « le baptême du sang du prolétariat » dans ce pays. Mais plutôt qu’à cause de la force de notre ennemi de classe, cette défaite fatale est due aux faiblesses de notre classe prolétarienne à l’époque : manque d’autonomie et de belligérance contre le gouvernement et surtout manque de radicalisme ou de rupture d’avec le programme social-démocrate (y compris ses versions « anarchistes », « socialistes »), en même temps que manque de rupture avec les syndicats, avec le patriotisme et la religion, et enfin manque de direction révolutionnaire, d’armement et d’offensive.

Le contexte mondial de cette époque, c’était la crise capitaliste, la guerre impérialiste et la révolte prolétarienne, comme c’est à nouveau le contexte mondial actuel, avec la différence importante qu’alors la crise n’était pas aussi généralisée et catastrophique que celle de maintenant et qu’il y avait un prolétariat révolutionnaire international et internationaliste massif et puissant qui cependant n’existe pas encore aujourd’hui ou, mieux dit, qui est encore faible. Par conséquent, les leçons laissées par les luttes de nos frères de classe d’hier sont valables et utiles pour les prolétaires en lutte aujourd’hui et partout dans le monde. Dans notre cas, l’une de ces leçons est –selon les paroles de l’un de ses protagonistes- que « le 15 novembre 1922, le prolétariat a appris à savoir qui sont toujours ses ennemis mortels ». En effet, hier et aujourd’hui, nos ennemis restent les mêmes : les hommes d’affaires, les banquiers, les hommes politiques (de droite et de gauche), les militaires, les policiers, les prêtres, les juges, les journalistes, les syndicalistes… Non pas en tant que groupes ou individus en particulier mais en tant qu’agents des rapports d’exploitation et de domination capitalistes, de cette société mondiale inhumaine et meurtrière de la marchandise, de l’argent, du travail salarié, du Capital et de son État : nos ennemis mortels de toujours.
Aujourd’hui, dans ce pays, à côté de la bourgeoisie, deux ennemis se distinguent plus : le gouvernement et les syndicats. Ce gouvernement, qui se prétend même être « révolutionnaire », « socialiste » et même « des travailleurs », est en réalité, comme tout gouvernement, le gardien et l’administrateur de l’exploitation et de la normalité capitalistes, de la dictature démocratique et citoyenne du Capital sur notre classe, le prolétariat. En fait, ce 15 novembre 2014 a eu lieu un meeting-show pour annoncer publiquement son « paquet de réformes » au code du travail, à savoir l’ajustage de cet instrument classique du contrôle et de l’exploitation capitalistes de la classe ouvrière pour, tour à tour, nous ajuster, nous exploiter et nous soumettre plus. Nul doute que ce gouvernement progressiste est bourgeois et l’ennemi du prolétariat. Comme si cela ne suffisait pas, il usurpe ce fait historique de notre classe pour essayer cyniquement de distordre et même de vider son contenu prolétarien et anticapitaliste ; afin de chasser le seul souvenir de révolution sociale prolétarienne, ce fantôme qui n’a pas cessé de voyager à travers le monde : le communisme, l’anarchie. Le pire, c’est que s’il agit de cette façon, c’est parce qu’ici et maintenant le prolétariat brille encore par son absence en tant que force autonome ainsi que pour mener une réelle guerre de classe et de mémoire. Et si un jour nos protestations en tant que classe parvenaient à briser sa mainmise sur nous et à menacer son pouvoir, qui est le pouvoir d’État du Capital, ce gouvernement n’hésiterait pas à nous réprimer de manière similaire à ce qu’il fit il y a 92 ans.
Pour leur part, les syndicats (sans exception) ne sont que les marchands et les négociateurs de l’exploitation de notre force de travail en face du patronat et de l’État. Ils l’ont toujours été et le seront à jamais. La preuve irréfutable de cela, c’est que ce 19 novembre il y a eu une nouvelle marche pour « rejeter », entre autres choses, les « amendements constitutionnels » et les réformes du gouvernement dans le code du travail, exigeant à la place un code soi-disant « de et en faveur des travailleurs », c’est-à-dire un fouet légal plus souple et doux de l’exploitation capitaliste, de l’esclavage salarié, qu’ils ne nomment jamais ainsi, et qu’ils critiquent ou combattent encore moins. Comme toujours, « lutter » contre les effets mais pas la cause ou la racine de tous les maux dont souffrent les prolétaires : le capitalisme. « Lutter » seulement pour des droits, des réformes, des miettes de ceux qui nous exploitent et nous oppriment. Ainsi sont acculées, détournées et annulées les revendications et protestations prolétariennes. Et même s’il leur arrivait d’être débordés, les syndicats (et les partis et les fronts de gauche) feraient tout leur possible pour étouffer la lutte prolétarienne autonome. Ce sont des pompiers, des réformistes, des opportunistes, des contre-révolutionnaires… Les syndicats sont aussi des ennemis du prolétariat, il faut donc rompre avec eux et les traiter comme tel.
Prolétaires : l’expérience du passé et du présent nous montre que pour satisfaire nos besoins et nos intérêts de classe, nous devons lutter en dehors et contre les gouvernements, les partis politiques et les syndicats, de manière indépendante ou autonome, pour tout et jusqu’à la fin, au-delà de et contre toutes les frontières et nationalité. À l’heure actuelle, nos frères de classe qui luttent au Mexique, Chili, Brésil, Moyen-Orient, en Grèce… font ce qu’ils peuvent à cet égard et ainsi ils tendent le fil historique mondial de la lutte prolétarienne contre le capitalisme. Notre mémoire historique, notre programme révolutionnaire, notre solidarité de classe, notre organisation autonome, notre action directe ont été, sont et seront nos meilleures armes.

Prolétaires :
15 novembre : Ni pardon ni oubli, ni paix sociale ni amnésie historique :
guerre de classe et guerre de mémoire !
Ni le gouvernement ni l’opposition, ni la droite ni la gauche :
les deux sont nos ennemis de classe !
Ni lois, ni « droits », ni réformes !
Ni représentants ni intermédiaires !
Organisons-nous et luttons pour nos besoins humains
de façon directe, autonome et radicale,
en dehors et contre les syndicats, les fronts et les partis !
Réapproprions-nous notre programme révolutionnaire historique :
Abolition de la propriété privée, du travail salarié, de la marchandise,
du Capital, des classes, de l’État, des patries, des races, des religions !
Pour la rupture et la révolte prolétarienne, ici et partout !
Pour la révolution communiste et anarchique mondiale !

Prolétaires Révolutionnaires
Quito, Équateur, Novembre 2014