En Catalogne en 1936, comme dans toutes les révolutions véritables, le premier mouvement va être d'ouvrir les prisons, aux politiques et aux droits communs confondus. Lorsqu’elles se rempliront de nouveau, ce sera un des signes -
et non le moindre - des progrès de la contre-révolution. L'appareil répressif -tribunaux, police, prisons, camps, tortures, exécutions, etc. - n'est que l'expression la plus brutale et directe de la hiérarchie des sociétés autoritaires, divisées en dirigeants et exécutants. Hiérarchie et appareil répressif sont indissolublement liés et sanctifiés depuis des siècles par des systèmes de valeur également hiérarchiques.
Pourtant, le problème se pose, aujourd'hui comme hier, en Catalogne et ailleurs, de savoir si la révolution signifie la mise en place d'une bonne hiérarchie (Etat ouvrier), avec ses bons camps de concentration, ses bons pelotons d'exécution, sa bonne torture, etc., ou bien si est révolutionnaire justement tout ce qui tend justement à briser les règles du jeu social, à ouvrir toutes les prisons, à détruire toutes les hiérarchies - et donc toute répression. Car quelles qu'en soient les nuances historiques, la hiérarchie sociale (de "gauche" ou de "droite", "ouvrière" ou "bourgeoise") est toujours source d'oppression, d'exploitation, d'aliénation, et il est impossible de vouloir lutter contre ceci sans lutter contre cela.
Carlos Semprun Maura